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L’éducation au chevet de l’écologie
cet article a été réalisé dans le cadre du concours des Jeunes Reporters pour l’Environnement. Joseph Siraudeau Etudiant
Article mis en ligne le 15 mars 2021

L’inscription des défis environnementaux à l’agenda politique a fait de l’éducation à l’écologie un passage obligé de la scolarité d’un élève. Pourtant, les programmes et les activités sont souvent critiqués pour leur superficialité ou leur teneur idéologique. En Île-de-France et dans les Pays de la Loire, certains proposent d’enseigner différemment les enjeux de la crise climatique.

“L’école (tous niveaux confondus) peut-elle être, selon vous, un lieu de prise de conscience écologique ?” A ce sondage réalisé sur Twitter dans le cadre du concours des Jeunes Reporters pour l’Environnement, 89,8 % des personnes interrogées - au nombre de 49 - ont répondu par l’affirmative. Néanmoins, force est de constater les limites, théoriques et pratiques, d’un possible épanouissement écologique dans les établissements français.

Un véritable déficit écologique se développe dès le plus jeune âge. Le journal Reporterre déplore que les activités organisées par le Réseau Ecole et Nature [1], qui “avaient une connexion directe avec l’environnement" se soient vues substituées, au fil des années, par “des animations à partir de mallettes pédagogiques clefs en main, sans contact avec l’extérieur” [2]. Cette distance vis-à-vis de la nature et des enjeux climatiques se poursuit tout au long du cursus scolaire de l’enfant.

La fronde [3] déclenchée par la place insuffisante accordée aux questions liées au climat dans les nouveaux programmes du lycée, inaugurés en septembre 2019, notamment en SVT, en est la preuve. Au sortir du secondaire, "il est parfois désespérant de constater que les élèves [...] devront refaire au moins tout le parcours critique que j’ai fait une génération avant eux”, témoigne Nicolas, professeur d’histoire-géographie dans le Val-d’Oise (95).

Pour pallier ces lacunes, le ministère de l’Education nationale a lancé, en parallèle, les “éco-délégués” : la désignation, dans tous les collèges et lycées, d’ambassadeurs écologiques. L’objectif ? Forger un acteur éco-responsable pour la société de demain. (...)

Repenser l’éducation à l’écologie

Si l’initiative se doit donc d’être saluée, elle ne pourra pas combler les angles morts de l’enseignement à l’environnement. Afin de compenser ces carences, de jeunes militants se mobilisent.

C’est le cas de Basile [4], membre de Youth For Climate, un mouvement écologiste né des marches pour le climat en 2019. Pendant le confinement, lui et d’autres activistes ont décidé de créer “l’Ecole du turfu”. “C’est un projet de sensibilisation d’une heure sur les enjeux contemporains d’aujourd’hui, biodiversité et changement climatique, que l’on a porté dans les classes de collège et de lycée”, explique-t-il. Se désolant que “la transmission de ce savoir soit très ‘greenwashée’ [le ‘blanchiment écologique’ consiste, pour une entreprise ou une institution, à se donner une image écologique en réalité trompeuse] et mal faite” dans le milieu scolaire, il veut “apporter aux élèves des notions fondamentales, sur le rapport Meadows [Les Limites à la croissance, paru en 1972] ou le capitalisme, par exemple”. Lui et ses camarades proposent, en fin de conférence, des solutions, mais pas uniquement celles qui sont évoquées d’ordinaire : ils exposent, entre autres, l’importance d’opérer des changements structurels dans nos manières de vivre et de produire.

Cette volonté de contourner les cadres éducatifs traditionnels, en prodiguant à l’élève des connaissances qu’il n’aurait jamais pu acquérir autrement, se retrouve aussi dans le projet porté par les occupants de la zone à défendre (ZAD) de Notre-Dame-des-Landes (44). Un ensemble de “passionné.e.s” ont commencé, début 2021, à réunir des fonds pour mettre sur pied ladite “Ecole des Tritons”. Déployée autour de cinq axes, elle a pour ambition de s’inscrire “dans la riche histoire de l’éducation populaire et d’une recherche de pédagogies hybrides” [5]. Cette éducation alternative prend ses racines dans les luttes et aspire principalement au progrès social, à travers non-seulement la culture académique, mais aussi la culture populaire, touchant le plus de citoyens possible. Ainsi, elle vise la conscientisation et l’émancipation individuelle et collective, à la fois par la réflexion et l’action.

Pour qu’une telle entreprise voit le jour à grande échelle, il faudra probablement du temps. Cela n’empêche pas Nicolas, l’enseignant que nous avons interrogé, d’avoir “délibérément ‘adapté’ [son] enseignement, notamment en géographie, quitte à [se] retrouver en contradiction avec les programmes”. Et Basile de se féliciter : “plusieurs personnes sont venues discuter, d’autres sont allées plus loin ou ont même intégré l’association”.

Éduquer les générations futures à l’écologie requiert, peut-être, d’outrepasser la norme.