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« L’élection de Trump est liée au creusement sans précédent des inégalités sociales »
10 novembre 2016 / Entretien avec Romain Huret
Article mis en ligne le 10 novembre 2016

Donald Trump, le 45e président des États-Unis, prendra ses fonctions en janvier. Il doit son élection à la faillite du Parti démocrate, incapable de répondre au creusement sans précédent des inégalités dans un pays où 43 millions de personnes ont recours à des coupons alimentaires et où 12 millions ont été expulsées de leur logement entre 2008 et 2010.

(...) Les élites dirigeantes ont été aveuglées par le succès de la mondialisation et du libre-échange pour une partie de la population. Or, toute une autre partie des Américains vit cette mondialisation comme un déclassement. C’est cet électorat ouvrier, déqualifié, qui a voté pour Trump.

Cette élection est donc liée aux inégalités sociales et économiques ?

Bien sûr. Je cite souvent une donnée qui est pour moi très significative de ce qui se passe aux États-Unis. Depuis une dizaine d’années, il y a une hausse exponentielle du taux de mortalité parmi les hommes de 45 à 54 ans, blancs et non qualifiés. Les raisons ? Drogue, suicide, maladies cardiovasculaires liées à la malbouffe et au tabac. Cette augmentation est propre aux États-Unis, et… à l’Angleterre. L’élection de Trump, tout comme le Brexit, est à analyser au prisme de cette dégradation des conditions de vie. C’est cet électorat blanc, effrayé, qui a voté pour le candidat républicain. (...)

Pourtant, Donald Trump fait partie de cette élite : c’est un milliardaire !

C’est effectivement le paradoxe de cette élection. Un milliardaire du Parti républicain apparaît comme le champion des laissés-pour-compte. Mais, contrairement à Hillary Clinton, il leur a parlé, il a abordé le thème des sans-diplômes, des coupons alimentaires. Et en dénonçant le libre-échange, il s’est attaqué au cœur du moteur. Même si je ne crois pas un instant qu’il fera grand-chose sur ce sujet dans les mois à venir…

Bernie Sanders portait aussi ce message, il parlait aussi aux laissés-pour-compte. Mais comme vous le savez, il a perdu. Je trouve dommage qu’Hillary n’ait pas repris davantage à son compte les mesures fortes de son programme. Finalement, Trump s’en est sans doute plus inspiré. C’est là aussi une part de cette faillite du Parti démocrate. Certains disent que Sanders aurait pu l’emporter face à Trump. C’est difficile à dire, même s’il est certain que Sanders aurait plus et mieux parlé que Clinton à cet électorat blanc du Midwest. (...)

Quelles leçons peut-on en tirer pour la France ?

L’échec de Hillary Clinton vient de son silence sur les questions d’emploi et d’éducation. J’insiste sur ce point, qui me paraît primordial. Dans des sociétés post-industrielles, où la réussite dépend du niveau d’éducation, les gens qui conjuguent absence d’emploi et de diplôme ont un sentiment de déclassement très fort… pourtant, ils n’obtiennent aucune réponse concrète de la part de leurs gouvernements. Ceci est vrai pour les États-Unis, mais aussi pour la France. Après le Brexit, après Trump, il serait temps que nos dirigeants réagissent. Il nous faut une prise de conscience collective pour éviter un désastre électoral similaire.