
Le rejet de la maison individuelle et de l’isolement est une des motivations par les habitants de logements participatifs. Cette façon de penser, de concevoir et de gérer collectivement son logement est plébiscitée. Et si on la généralisait ?
Montpellier (Hérault), reportage
Le soleil couchant projette ses reflets rouges sur les grandes baies vitrées du Mas Cobado. Dans la pénombre du crépuscule méditerranéen, deux bâtiments ocre et brique se dessinent. D’un côté, un immense parc mêlant friches, vignes et pinède. De l’autre, la jeune ZAC des Grisettes, et un peu plus loin à l’est, l’agglomération de Montpellier. C’est dans cet écrin périurbain que se sont installés les 23 familles du collectif Habiter, c’est choisir. Ensemble, elles ont coconçu, coconstruit et cogèrent à présent leurs logements. Sorti de terre il y a un an, le Mas Cobado est ce qu’on appelle un habitat participatif.
« L’habitat participatif est une démarche citoyenne qui permet à des personnes physiques de s’associer afin de participer à la définition et à la conception de leurs logements et des espaces destinés à un usage commun, de construire ou d’acquérir un ou plusieurs immeubles destinés à leur habitation et d’en assurer la gestion ultérieure », précise la loi Alur, votée en 2014 par le Parlement.
« Le côté participatif, c’est avant tout la convivialité, le lien social et l’entraide. » (...)
« Je ne voulais pas être trop sollicitée. Mais ce n’est pas non plus la communauté où tout le monde fait tout ensemble. On a chacun nos espaces, nos vies. » L’arrivée de la septuagénaire au Mas Cobado lui a permis de « concilier les irréconciliables : rester indépendante, mais ne pas être seule ».
« En acceptant la contrainte, vous vous créez plus de liberté »
Outre la salle polyvalente, les bâtiments comportent trois chambres d’amis et des buanderies mutualisées, un jardin et une terrasse partagés, ainsi que des patios et coursives collectives où sont installées salle de jeux et bibliothèque. Le rejet de la maison individuelle et de l’isolement est une des motivations les plus partagées par les habitants. (...)
Mais le chemin du paradis est semé d’embûches. Avant de déballer leurs cartons dans le quartier des Grisettes, le collectif a traversé cinq années de démarches, procédures et rebondissements. (...)
Stephan Singer reconnaît que le processus est souvent douloureux, parfois motif d’abandon, mais que, finalement, tout le monde y gagne : « Le collectif permet de construire des espaces de liberté : en acceptant la contrainte, vous vous créez plus de liberté. » Retraitée de l’éducation nationale, Geneviève Oms Benezis a ainsi dû faire une croix sur sa volonté d’installer un ascenseur, mais elle ne regrette rien : « Il y a de l’entraide, les gens me dépannent si besoin. »
Autre changement de posture à accomplir : « Passer de citoyens consommateurs à citoyens acteurs. » (...)
De fait, ces dynamiques habitantes, nées dans les années 1970-80 sous le nom d’habitat groupé, connaissent depuis une dizaine d’années un nouvel essor. « Au doigt mouillé, on dénombre 400 projets en France, plus ou moins aboutis », estime Ludovic Parenty, chef de projet à la Coordin’action nationale. Cette coordination qui regroupe les collectifs et les associations d’habitants vient de publier, en partenariat avec les Colibris, une carte qui recense les groupes existants. Des coopératives d’habitants aux sociétés civiles immobilières, des immeubles en centre-ville aux maisons groupées à la campagne, des lieux intergénérationnels aux collectifs de retraités… il y en a pour tous les goûts ! (...)