
Mardi 12 février. Il est 7h51 sur France Inter. Pascale Clark interroge le syndicaliste Mickaël Wamen de l’usine Goodyear d’Amiens-Nord, à l’occasion de l’action engagée ce matin-là par les salariés de plusieurs entreprises en lutte devant le siège de Goodyear à Rambouillet.
Rapidement, l’interview tourne au réquisitoire contre le délégué syndical CGT. Présumé « belliqueux », en raison de terrifiants « actes de vandalisme » et présenté comme responsable du blocage des négociations, le syndicaliste est sommé de s’expliquer devant un tribunal médiatique imaginaire… (...)
Le délégué syndical a beau se défendre d’un tel « état d’esprit », la procureure Clark ne lâche pas le morceau. Et lorsque Wamen en vient à critiquer le traitement médiatique de la contestation syndicale (« ça commence à bien faire sans cesse de nous pointer du doigt en disant, que ce soit sur votre antenne ou sur d’autres médias, vous êtes belliqueux, vous voulez en découdre ») elle finit par l’interrompre et s’exclame : « Ouais, mais Strasbourg la semaine dernière, Mickaël Wamen, Strasbourg la semaine dernière, on a vu des actes de vandalisme »
L’interview prend ainsi le tour d’un rappel à l’ordre public. Un ordre public que certains journalistes - suivant en cela l’exemple désormais inoubliable de David Pujadas face à Xavier Mathieu - prétendent contribuer à maintenir… Les salariés en lutte sont-ils des vandales belliqueux ? Clark semble suivre la trace de son confrère quand il lançait à Xavier Mathieu : « On comprend bien sûr votre désarroi, mais est-ce que ça ne va pas trop loin ? Est-ce que vous regrettez ces violences ? »
Mais à l’instar de Xavier Mathieu, Mickaël Wamen ne se laisse pas faire. Il rappelle que c’est un salarié qui a perdu un œil dans les échauffourées avec les forces de l’ordre, et finit par fustiger un gouvernement dont la politique, parce qu’elle est marquée par un déploiement policier répressif, est « pire que Sarkozy ». Il s’attire alors une réplique immédiate destinée à souligner l’extrémisme attribué au syndicaliste : « Pire que Sarkozy ? Un gouvernement de gauche ? C’est pire qu’un gouvernement de droite ? »
Wamen a beau expliquer qu’il dénonce entre autres la criminalisation des actions syndicales et l’impunité des chefs d’entreprises, Pascale Clark l’invite, sous une forme faussement interrogative, à la modération (...)
La fin de l’interview est à la hauteur de son déroulement. Alors que Wamen souligne la fierté des salariés mobilisés, Clark le coupe une fois, puis lui lance un long « Merciiii » pour congédier l’ouvrier (qui aura tout juste le temps de terminer sa phrase), avant de conclure en beauté :
– « Le délégué CGT de Goodyear Amiens Nord Mickaël Wamen, très en forme, merci et bonne journée, Patrick Cohen. »
Et Patrick Cohen « très en forme » d’apporter son soutien à la journaliste malmenée :
– « Merci Pascale Clark et à tout à l’heure 9h10 par qui allez-vous vous faire engueuler à 9h10 ? »
Assis au chaud derrière son micro, le présentateur de France Inter disqualifie comme une engueulade les réponses sans complaisance d’un syndicaliste en lutte qui répond depuis un site entouré par un important dispositif policier.