
En 1898, des citoyens, révoltés par l’injustice dont était victime le Capitaine Dreyfus, décidaient de créer la Ligue française pour la défense des droits de l’homme et du citoyen. Ils s’engageaient alors à porter aide et assistance « à toute personne dont la liberté serait menacée ou dont le droit serait violé ». Cet engagement est toujours le nôtre. C’est avec la même exigence d’une lutte contre « toutes les formes d’intolérance et d’arbitraire » que nous voulons construire le mouvement civique de demain.
Nous mesurons les progrès des droits de l’Homme accomplis tout au long de ce siècle, mais nous avons appris à quel point ces conquêtes sont fragiles. Contrairement à ce que croyaient les fondateurs de la LDH, le « vent de folie » du racisme ne s’est jamais apaisé. Ce qui était inimaginable il y a un siècle est désormais inscrit dans notre mémoire : l’antisémitisme a conduit à des « actes de barbarie qui révoltent la conscience de l’humanité « . L’horreur ne cesse de resurgir ; elle nous menace toujours. La liberté ne se divise pas : ni la sauvegarde d’un ordre moral, ni les exigences de l’opinion, ni même le souci d’un avenir plus juste ne peuvent justifier que l’on sacrifie une liberté ou un droit. L’égalité aussi est indivisible : comment affirmer l’égalité entre tous les êtres humains sans lutter contre les discriminations dont les femmes sont encore victimes ou sans combattre l’arbitraire auquel les étrangers restent soumis ?
Aujourd’hui, les droits ne doivent plus seulement être défendus face à l’Etat : « la raison économique », au nom de laquelle on accepte que des millions de personnes soient réduites au chômage ou à la précarité, menace les libertés tout autant que la raison d’Etat. Dès lors que l’Etat se soumet au droit contre la tentation de l’arbitraire, il est le garant des droits de chacun et de l’égalité de tous, sa laïcité assure la liberté des consciences.
Il n’y a pas à choisir entre droits civils et politiques et droits économiques et sociaux. On ne combat pas la tyrannie en acceptant la misère. Le droit au travail est aussi nécessaire que la liberté d’expression, le droit à l’éducation est aussi important que le droit à une justice équitable. Il n’y a pas hiérarchie mais solidarité entre les droits. Notre raison d’être, c’est de les rendre tous effectifs.
Mais nous sommes confrontés à des défis nouveaux. Nos anciens croyaient que le progrès scientifique suffirait à assurer le bien être de tous et – pourquoi pas ? – le bonheur et la liberté. Hiroshima, Tchernobyl ont mis fin à ces illusions. Les nouvelles technologies offrent des moyens sans précédent pour faire reculer la maladie ou l’ignorance, mais elles peuvent engendrer de nouvelles formes d’oppression ou d’aliénation. Nous devons aujourd’hui veiller à la préservation de la planète et au respect de « la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine ». S’il nous faut également lutter contre les nouvelles menaces qui pèsent sur le respect de la vie privée avec des formes d’ingérence de plus en plus subtiles, nous croyons aussi que le repli sur la sphère privée est porteur de dangers : l’individualisme tue le citoyen dans l’individu.
Nous voulons, en même temps, développer l’autonomie des personnes et rechercher d’autres façons de vivre ensemble, conjuguer le souci de l’universel avec le respect de la diversité des cultures. C’est en assumant ces contradictions que nous pourrons contribuer au progrès des libertés.
Aujourd’hui comme il y a un siècle, la seule véritable garantie des droits de l’Homme, c’est l’action des citoyens. (...)
rien de ce qui se passe sur la planète ne nous est étranger. (...)
L’inégalité insupportable entre ceux qui possèdent droits et richesses et ceux qui n’ont rien déchire le monde. Des milliards d’êtres humains sont sacrifiés au dogme de l’ultra-libéralisme. (...)