
Le projet de loi travail a pour objectif de sécuriser l’exploitation de la force de travail en sélectionnant médicalement les travailleurs, et d’en finir avec le droit à la protection de la santé. Les répercussions sur la santé des salariés seront inévitables.
Un récent article scientifique montre que la survenue d’accidents vasculaires cérébraux et dans une moindre mesure d’infarctus est fortement corrélée au temps de travail hebdomadaire.
La question de la santé au travail et l’activité de ceux, les médecins du travail par exemple, qui constateraient les effets du travail, deviennent particulièrement stratégiques pour l’exploitation de la force de travail. Cela explique l’attention particulière portée à la médecine du travail par les lois Rebsamen et El Khomri, aspect complètement sous-estimé, et qui en est pourtant un enjeu principal. Cette dernière loi aura bien des conséquences…
Saper les bases du suivi individuel et de la visibilité des conséquences du travail sur la santé (...)
Basculer d’une médecine de prévention du point de vue exclusif de la santé du travailleur vers une médecine de sélection de la main-d’œuvre (...)
La seule justification légale à la discrimination est une décision médicale, d’où l’urgence de mettre en place une médecine de sélection de la main-d’œuvre. En réservant l’activité médicale du médecin du travail aux salariés « à risque » personnel ou professionnel, cela initie la dérive du métier de médecin du travail d’un exercice exclusif de prévention vers une sélection médicale de « l’employabilité » du salarié. Une dérive accentuée par d’autres dispositions du projet de loi (inaptitude en cas de « risque grave » pour la santé, prévention du « risque d’atteinte à la sécurité des tiers », injonction faite au médecin du travail de donner des indications sur la capacité du salarié à exercer l’une des tâches existant dans l’entreprise).
Les définitions de ce qu’est un « poste à risque » s’entrecroisent et créent une confusion entre ce qui est un risque professionnel, un risque individuel lié à l’âge ou à l’état de santé, un risque personnel induit par le travail, un risque pour le salarié, pour les tiers. Il peut s’agir aussi d’un risque grave pour la santé du salarié justifiant sa mise à l’écart de l’entreprise.
Ce qui compte ici pour les employeurs est de mettre en avant la notion de « salarié à risque » et de faire oublier la notion de « poste à risque », au moins dans les esprits, pour faire croire que le salarié serait le « maillon faible » de la prévention, alors qu’en droit, il ne devrait pas exister de poste à risque.
C’est la subtilité perverse du projet que d’enfermer le médecin du travail, étouffé par des tâches étrangères à sa mission, dans une injonction paradoxale (...)
Rendre difficile pour le salarié la contestation de l’avis médical
Aujourd’hui le salarié peut contester une décision du médecin du travail devant l’inspecteur du travail, demain il lui faudra aller aux prud’hommes. (...)