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Le Monde Diplomatique
La CFDT et le Medef font reculer l’âge de la retraite
Article mis en ligne le 28 octobre 2015

L’accord de principe sur les retraites complémentaires Agirc et Arrco, signé le 16 octobre dernier entre le patronat (Mouvement des entreprises de France, Confédération générale des petites et moyennes entreprises et Union des professions artisanales) et trois syndicats (Confédération française démocratique du travail, Confédération française de l’encadrement - Confédération générale des cadres et Confédération française des travailleurs chrétiens), se traduit par un recul de l’âge de la retraite et une baisse des pensions. Pas étonnant que le président du Medef, M. Pierre Gattaz, pourtant avare de compliments en général, salue le courage de ces représentants des salariés : « Je voudrais d’ailleurs [leur] rendre hommage. Ils ont joué un rôle très important et ont été responsables (1). »

La dramatisation des difficultés pour assurer le financement futur des retraites est un classique pour mieux faire accepter des réformes régressives. Les négociations entre patronat et syndicats de salariés, qui se sont succédé depuis une vingtaine d’années, ont organisé une baisse continuelle du niveau relatif des pensions complémentaires servies. Ainsi en 19 ans, de 1990 à 2009, le taux de remplacement des pensions complémentaires a baissé de plus de 30 % dans chacun des régimes, une baisse encore plus sévère que dans le régime de base ! La constante de la part du Mouvement des entreprises de France (Medef) est son refus de voir sa cotisation augmenter et sa volonté de reculer l’âge de départ. Derrière ces reculs permanents se cache la volonté de favoriser le déplacement des cotisations vers l’épargne et les assurances privées. La négociation actuelle poursuit et aggrave la tendance des accords précédents.

Les efforts sont loin d’être partagés !

Les mesures prévues dans l’accord devraient dégager une économie annuelle de 6 milliards d’euros en 2020… qui pèsent quasi exclusivement sur les salarié-es et retraité-es. Le patronat a bien fini par accepter une (légère) hausse de sa cotisation, sa contribution est ainsi estimée entre 500 et 700 millions d’euros… soit autour de 10 % seulement du montant total de l’économie. De plus, le Medef s’est vanté d’avoir obtenu la garantie que l’Etat compensera une partie significative de cette contribution par une baisse des cotisations accident du travail et maladies professionnelles ! L’accord est un marché de dupes (...)

Ce système de malus et bonus permettra, selon le patronat, d’agir sur le comportement des salariés à qui il reviendrait ainsi de décider de poursuivre ou de cesser leur activité, selon le niveau de pension souhaité. La fameuse retraite à la carte ! On mesure la tromperie de cet argument lorsqu’on sait que 56 % des personnes ne sont plus en emploi au moment où elles liquident leur retraite. Que signifie alors cette incitation à travailler plus longtemps ? Pour l’instant, dès que les chômeurs atteignent la durée de cotisation exigée (les périodes de chômage indemnisé valident une durée de cotisation), ils sont mis d’office à la retraite selon le règlement actuel de l’assurance chômage. Subiront-ils alors l’abattement ?

Comme dans les réformes du régime de base, l’augmentation de la durée de cotisation et le report de l’âge d’ouverture des droits pénalisent davantage les femmes car elles ont toujours aujourd’hui des carrières plus courtes. (...)

L’affrontement rude qui a eu lieu entre les syndicats et le patronat sur cette question témoigne du caractère idéologique de la mesure. Le Medef peut être satisfait, les régimes complémentaires vont constituer un point d’appui pour repasser à l’offensive sur l’âge légal de départ à la retraite. Ces régimes deviennent même à la pointe de la régression sur les retraites, puisque l’accord recule de fait à 63 ans l’âge d’ouverture des droits à la retraite à taux plein (sans passer par la loi !) et qu’il augmente d’un an la durée de cotisation, au-delà de l’augmentation instaurée par les réformes passées sur la retraite de base !

Contrairement au régime général, il n’y a pas dans les régimes complémentaires de taux de remplacement (montant de la pension reçue par rapport au dernier salaire) fixé à l’avance et les salariés n’ont aucune visibilité sur ce qu’ils toucheront. L’ajustement de l’équilibre financier des caisses se fait de manière négociée entre « partenaires sociaux », en réglant divers paramètres (taux d’appel, le rendement du point, etc.) auxquels vont désormais s’ajouter le niveau d’abattement (5 %, 10 %) et la durée pendant laquelle il sera appliqué. Tout cela est complexe, reste obscur pour la plupart des personnes et n’occupe pas en général le devant de la scène médiatique. Pourtant les enjeux sont importants.

Il faut rappeler que des solutions justes existent pour financer nos retraites. Il est possible d’augmenter les cotisations : la baisse programmée des pensions vise non pas à limiter le niveau de cotisations salariales, mais à les déplacer du système public de retraite vers la finance privée. Bien sûr les solutions passent par la réduction du chômage, l’amélioration de l’emploi, l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, et l’organisation d’un autre partage des richesses.