Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
le Monde
La CNIL étrille le projet du gouvernement de surveiller les réseaux sociaux pour détecter la fraude fiscale
Article mis en ligne le 1er octobre 2019

Trop intrusif, indiscriminé, peu efficace : le gendarme de la vie privée réclame des « garanties » au projet de surveillance des réseaux sociaux.

Scanner automatiquement certains réseaux sociaux et aspirer « en masse » les informations qu’on y trouve pour détecter la fraude fiscale est-elle une bonne idée ? Si le gouvernement en a fait l’un des objectifs du nouveau projet de loi de finance (PLF), le gendarme de la vie privée est beaucoup plus circonspect.

Dans sa délibération au sujet de l’article 57 du PLF rendue publique lundi 30 septembre, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) appelle les pouvoirs publics à « faire preuve d’une grande prudence ». En effet, le dispositif imaginé par le gouvernement pose, selon elle, des « questions inédites en matière de protection des données personnelles ». (...)

La CNIL fait référence à l’un des articles du PLF, présenté en conseil des ministres vendredi et repéré par le site spécialisé NextInpact. Ce dernier donne le pouvoir à certains agents du ministère de l’économie et des finances de « collecter en masse », selon les termes même du projet de loi, des informations postées publiquement par les internautes. (...)

Le ministère peut déjà – et depuis 2014 – passer à la moulinette plus d’une vingtaine de bases de données de l’Etat (fichier des comptes bancaires, fichier de taxe d’habitation…) pour détecter automatiquement les fraudeurs. Mais il est encore illégal d’utiliser les informations issues des réseaux sociaux : (...)

Tout en reconnaissant que la lutte contre la fraude fiscale est un objectif louable et juridiquement solide, la CNIL met purement et simplement en doute « l’efficience ainsi [que] la faisabilité technique d’un tel dispositif ».

Quand bien même un tel procédé serait utilisé par Bercy, la CNIL critique le trop grand nombre d’infractions fiscales et douanières justifiant la collecte de données ainsi que la palette de plates-formes et de sites concernés par cette surveillance. (...)

Elle note aussi qu’en l’état, le texte de loi ouvre la porte à des procédures d’intelligence artificielle dite « auto-apprenante », ce qui « soulève des enjeux particuliers en matière de protection des données ». En effet, ce type de mécanisme imposerait de collecter de nombreuses données pour déterminer ce qui est un comportement normal aux yeux de l’administration fiscale, afin de pouvoir détecter le comportement suspect. Il conduirait donc à l’aspiration de nombreuses données inutiles d’internautes n’ayant rien à se reprocher. (...)

La CNIL veut des « garanties »

L’institution, qui doit être consultée lors de chaque projet de loi impliquant une exploitation des données personnelles, « regrette vivement d’avoir à se prononcer dans des conditions d’urgence sur la mise en œuvre de tels traitements compte tenu des enjeux associés à la collecte massive de données ». (...)

La CNIL en appelle ainsi aux députés et aux sénateurs, qui devront examiner le projet de loi dans les semaines qui viennent, à « apprécier l’opportunité » de ce dispositif et à tout le moins de le doter « de garanties » pour protéger la vie privée des Français.