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La Cantine des Pyrénées : dix ans de bouffe subversive
#alternative #alimentation
Article mis en ligne le 23 juillet 2023
dernière modification le 22 juillet 2023

Par quel miracle un chanteur d’opéra, un mec SDF, une chercheuse, une personne sans-papiers et un ouvrier du bâtiment peuvent-ils se retrouver ensemble derrière les fourneaux ? La scène se passe au milieu des grosses gamelles de la Cantine des Pyrénées, à Paris, où une autre façon de faire société se construit depuis une dizaine d’années. À table !

Les cuistots du jour, mélange d’habitués et de nouveaux un peu intimidés par les grandes gueules, se lancent. « Qu’est-ce qu’on peut préparer avec tout ça ? » Il est 9 h 30, et, comme presque tous les matins, c’est un joyeux bordel à la Cantine des Pyrénées.

Tout commence en 2013, dans un immeuble vide squatté par des militants proches du milieu autonome, au 331 rue des Pyrénées, à 500 mètres du local actuel1. Un lieu en plein cœur de Belleville, quartier historiquement populaire du nord-est de Paris, toujours un peu plus menacé et grignoté par la gentrification. Quelques personnes s’installent dans les étages et l’atelier cantine, imaginé dès les origines de l’occupation, se met en place au rez-de-chaussée. Le plan : cuisiner en groupe, dans un esprit d’entraide et de solidarité, et servir une petite centaine de repas à prix libre quotidiennement. « On voulait que ce soit le plus ouvert possible, sortir de notre entre-soi politique et proposer un lieu émancipateur pour des personnes qui ne sont pas initiées à Marx ou à Gramsci. Que ce soit accessible et appropriable par tous, tout en gardant notre subversivité », retrace Samuel en découpant de la ciboulette. En parallèle, d’autres ateliers gratuits sont créés : des cours de français, une aide juridique, des repas de soutien pour d’autres lieux et luttes, des sessions de bricolage, un atelier santé et d’autres d’éducation populaire. « L’idée avec l’atelier cantine, c’était de répondre à un besoin commun, manger, tout en sortant d’une logique marchande. » Et, tout de suite, ça marche. (...)

Des médecins, des sans-abris, des militants, des précaires, des universitaires et des retraités se retrouvent derrière les fourneaux. Merveilleuse alchimie. Jusqu’à l’expulsion, un an et demi plus tard. « Il était hors de question de s’arrêter. On a fait quelques cantines sauvages sur le trottoir et, en 2016, on est arrivé ici », poursuit Samuel, prof d’échecs engagé dans le collectif quasiment depuis le début. (...)

L’essentiel de la nourriture utilisée en cuisine provient de la récupération d’invendus et de donations en vrac des habitants. Et, depuis un peu plus d’un an, la Cantine cultive un bout de terrain sur une ferme collective en Seine-et-Marne, à une heure en transports de Belleville. De l’ail, des patates, des courges, des oignons… « On essaie de tendre doucement vers l’autosubsistance alimentaire. C’est un geste essentiel, et ça permet à beaucoup de gens de remettre les mains dans la terre », insiste Samuel, convaincu que la Cantine démontre en actes et depuis bientôt dix ans les possibilités pratiques de l’autonomie politique.

Bientôt midi, les tables sont dressées. L’ambiance banquet a un peu perdu de son charme depuis que la terrasse a été interdite sous la pression de certains voisins (...)

Symbole fort : des médecins de la maison de santé installée un peu plus haut dans le quartier recommandent à des patients dépressifs et touchés par d’autres maladies psychiques de franchir les portes de la Cantine pour « sortir de l’isolement », précise Alexandre, également membre du collectif. « Il y a peu d’espaces comme ça dans la ville, des lieux participatifs où il y a de la place pour celles et ceux à qui on n’en laisse aucune. Franchement, ici, c’est magnifique. » (...)

Le 30 septembre, une grande fête est prévue à la Parole errante, à Montreuil, pour les 10 ans de la Cantine des Pyrénées.