
En 2014, le monde entier découvrait la résistance acharnée des kurdes syriens contre Daech dans la ville de Kobané. À l’exact opposé de l’obscurantisme de leurs adversaires, ceux-ci défendent la démocratie, la laïcité, l’écologie et l’égalité homme-femme. Alors qu’ils revendiquaient précédemment la constitution d’un État kurde indépendant, voilà que désormais leur stratégie s’inspire du municipalisme libertaire et vise à dépasser les États-nations par une confédération de communes instituées de façon radicalement démocratique dans lesquelles les communautés cohabitent. Une approche qui, par bien des aspects, laisse certaines questions sans réponses mais qui ne peut manquer de nous interpeller au moment de la réémergence de la question nationale en Europe…
Cet ouvrage collectif rassemble différents textes théoriques, points de vue et témoignages sur l’expérience et le combat que mènent actuellement les kurdes de Syrie. Cette expérience ne peut que nous intéresser au moment où nous nous interrogeons sur le contenu d’une démocratie réelle et c’est cet aspect que nous allons ici développer même si ce livre comporte de nombreux textes passionnants de reportages sur la guerre (Can Polat, Pierre Barbancey…) ou le témoignage d’un ancien légionnaire français (Gabar) qui, à quarante-huit ans, s’est volontairement engagé dans les forces kurdes pour combattre Daech… (...)
la trajectoire du PKK a largement de quoi surprendre : se réclamant anciennement du marxisme-léninisme et préconisant la formation d’un État socialiste kurde séparé de la Turquie, voilà que ce parti adopte au tournant de ce siècle un virage à 180° : il se réclame désormais du Confédéralisme démocratique qui s’inspire de la pensée du militant et essayiste écologiste américain, Murray Bookchin. Cemil Bayik, un des cinq membres fondateurs du PKK, nous explique la genèse de cette évolution qui, selon lui, ne saurait se résumer à une conversion du président du parti, Abdullah Öcalan, en captivité depuis 1999. Cette évolution trouverait ses racines dans les difficultés et divisions du mouvement communiste international, divisions auxquelles le PKK a refusé de prendre partie. Ce tournant stratégique signifie que le PKK et le PYD ne réclament plus la séparation du Kurdistan avec la Turquie ou la Syrie mais la formation de communes autogérées dans lesquelles kurdes, turcs, assyriens, syriaques, arabes coexistent dans leurs identités propres. (...)