
Les forces de Poutine ont perdu le premier round de l’invasion. Elles pourraient aussi perdre le deuxième.
À l’heure où la guerre en Ukraine entre dans une nouvelle phase, possiblement décisive, la grande question est de savoir si l’armée russe va se montrer aussi mauvaise qu’elle l’a été durant la première phase de la guerre.
Le contrôle du Donbass –la région la plus orientale de l’Ukraine, située à la frontière de la Russie– devrait être plus facile à atteindre pour Vladimir Poutine et ses généraux que ne l’a été leur objectif initial, qui était de prendre le contrôle du pays tout entier et de chasser Volodymyr Zelensky, le président ukrainien, de Kiev. Nombreux étaient ceux qui pensaient que les Russes seraient capables d’accomplir cet objectif en quelques semaines, si ce n’est en quelques jours. Cela n’a pas été le cas.
Au lieu de cela, l’invasion russe s’est enlisée presque immédiatement, et ce pour trois raisons : les soldats ukrainiens se sont battus plus férocement et plus intelligemment que prévu, ils ont bénéficié du soutien de l’Europe et des États-Unis (qui leur ont fourni armes et renseignements) et, peut-être surtout, l’armée russe s’est révélée particulièrement incompétente pour la guerre offensive.
Comme certains l’avaient déjà fait remarquer il y a quelque temps, ce dernier point n’a rien de vraiment surprenant. (...)
Les Ukrainiens, qui se battaient pour sauver leur patrie, ont été plus forts que les soldats russes, qui envahissaient un territoire étranger, souvent sans savoir pourquoi ils se battaient.
En outre, l’Occident a fourni aux Ukrainiens du très bon matériel. (...)
Quasiment en temps réel, les Américains ont fourni au commandement ukrainien des renseignements sur l’emplacement et les vulnérabilités des lignes d’approvisionnement russes.
La Russie est entrée en guerre avec un avantage considérable en terme de puissance de feu, mais la combativité des Ukrainiens combinée à d’excellents renseignements et l’utilisation d’armes idéales pour les tactiques d’embuscade ont plus que compensé cela lors des combats. (...)
Les troupes russes se sont désormais retirées de la région de Kiev et devraient se regrouper dans le Donbass, avec les séparatistes pro-russes qui y combattent déjà –même si la Russie continue de pilonner les villes et villages d’Ukraine à distance, afin de poursuivre sa campagne de terreur contre la population civile et d’obliger l’armée ukrainienne à maintenir au moins quelques troupes sur place. (...)
Est-ce que les officiers russes seront au moins capables de tirer des leçons de leurs échecs et d’adopter ensuite de nouvelles tactiques ? Les troupes russes qui battent retraite sont-elles vraiment capables de se regrouper de manière cohérente ? Le commandement militaire russe est actuellement en train de faire appel aux réservistes afin de renforcer les rangs. Ces soldats qui n’ont reçu que peu de formation, voire aucune, peuvent-ils vraiment être intégrés au sein d’unités actives ? Il n’y a qu’une seule réponse à ces trois questions : peut-être, mais c’est peu probable.
John Pike, directeur du cabinet d’études GlobalSecurity.org, estime que les réserves sont « trop faibles ou trop ineptes pour faire la différence dans le Donbass ». Il ajoute que les soldats qui arrivent de la région de Kiev pour être redéployés dans le Donbass sont fatigués et démoralisés. (...)
L’Ukraine va, elle aussi, être confrontée à un problème dans la bataille à venir. Son armée a également subi des pertes. Et les armes et munitions fournies par l’Europe commencent à lui manquer. On sait peu de choses et rien n’a fuité sur la vitesse à laquelle s’effectuent les dernières livraisons d’armes (les chars, drones, missiles antichars et antiaériens… et le reste) ni à quelle vitesse elles vont pouvoir être ensuite transportées vers le front à l’est du pays (il y a plus de 1.000 km de distance entre Lviv et le Donbass). (...)
Avant que les combats principaux ne commencent, il va sans aucun doute y avoir d’autres combats (avec des attaques contre les routes, les voies ferrées et autres infrastructures d’approvisionnement) pour se positionner le plus rapidement possible.
Les combats dans le Donbass durent depuis plus de huit ans, soit depuis que les milices soutenues par la Russie ont déclaré une guerre séparatiste contre les autorités et l’armée ukrainiennes. (...)
Ces six dernières semaines, alors même que les batailles pour Kiev, Odessa et d’autres parties de l’Ukraine faisaient rage, les combats se sont poursuivis au Donbass –la différence est que, maintenant, les soldats russes se battent ouvertement aux côtés des milices séparatistes (Poutine a nié que des troupes russes soient jamais allées dans le Donbass entre 2014 et le début de cette année). Pourtant, étonnamment, les lignes ont à peine bougé. (...)
En outre, alors que nombre d’Ukrainiens de l’Est, si ce n’est la majorité, avaient des sympathies pour la Russie avant l’invasion, beaucoup, après avoir vu leurs maisons détruites et leurs voisins tués, lui sont désormais hostiles.
Personne ne peut prédire ce qui va se passer maintenant. Cela pourrait tourner à une épouvantable guerre d’usure. Mais plus elle durera, plus elle s’apparentera à une défaite pour Poutine. (...)