
Le Failed States Index – index des Etats déliquescents – classe depuis quatre ans la Somalie comme le pays le plus sinistré de la planète, assez loin, par exemple, devant l’Afghanistan ou l’Irak. Même si la perspective d’une famine d’ampleur s’éloigne pour le moment, ses voisins immédiats, fragilisés par la catastrophe apparue au printemps 2011, présentent tous des situations à risque.
Dans un pays où l’ONU fait son retour en janvier 2012 après dix-sept années d’absence, l’approximation est la règle. Selon les estimations des agences d’aide internationale, la population serait de dix millions d’habitants, dont presque la moitié aurait été menacée par la dernière crise alimentaire. Pour autant, aux yeux de la presse occidentale, l’actualité du pays se concentre sur trois thèmes :
– la piraterie dans le Golfe d’Aden qui menace les approvisionnements en pétrole et la circulation des navires occidentaux, obligeant au maintien d’une force navale importante ;
– l’immigration largement médiatisée suite à la mort de plusieurs milliers de clandestins en Méditerranée ;
– la « menace » terroriste liée aux milices islamistes d’Al-Shabbaab, dont le pouvoir semble aujourd’hui largement contesté.
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L’effondrement de l’état somalien de janvier 1991 a ainsi des racines profondes. Ce ne sont pas seulement les institutions d’un Etat qui s’effondrent, mais aussi la société elle-même, divisée désormais selon des lignes claniques. Le rôle du clan (qabiil en somali) est important pour comprendre les caractéristiques de la guerre civile qui jaillit de l’effondrement de l’Etat.
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Telle est bien la question, des intérêts que poursuivent les acteurs internationaux, et en partie aussi les gouvernements régionaux intervenus militairement en Somalie. Ces intérêts ne correspondent pas toujours aux besoins du pays, mais apparaissent pour la plupart conditionnés par la satisfaction des stratégies occidentales.
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Mais peut-être que maintenir la Somalie dans un état de conflit permanent, dans un entre-deux entre la paix et la guerre, est utile pour beaucoup de gens, et pas seulement pour certains acteurs régionaux, qui préfèrent un pays faible et sous contrôle, mais aussi pour quelques filières globales de la criminalité organisée, qui considèrent le territoire somalien comme un énorme duty-free où l’on peut décharger les « péchés » de l’Occident, comme les déchets toxiques. (...)