
François Rebsamen, le ministre de la remise au turbin, a plus d’un boulot de merde dans son sac pour te ramener dans le giron soyeux du travail. Il y en a un, pourtant, qui échappe encore au catalogue de Pôle emploi. Jusqu’à quand ?
Si d’aventure vous êtes de passage à Bruxelles et qu’une envie perverse vous gagne d’engloutir une cheesy crust au Pizza Hut du boulevard Anspach, en plein centre-ville, vous ne serez pas déçu du voyage : à défaut d’un repas digeste, vous y trouverez des chiottes d’une blancheur phosphorescente, sentant bon l’hygiène industrielle et l’huile de coude ménagère. La satisfaction de pisser sur une faïence aussi immaculée que le sourire de George Clooney et d’appartenir du même coup à une clientèle choyée, sinon « premium », n’est toutefois pas incluse dans le prix de la pizza. Il vous en coûtera 50 centimes, comme l’indique le petit panneau posé sur le tréteau à la sortie, où le préposé au nettoyage est en train de s’éponger le front avant sa prochaine corvée de serpillière. C’est que le forçat des urinoirs doit les récurer de fond en comble tous les quarts d’heure, ce qui lui laisse peu de temps pour empocher son pourboire.
Qu’il soit occupé ou non, notez que vous pouvez fort bien vous abstenir de cracher au bassinet. La direction a interdit en effet au nettoyeur de réclamer son dû à haute voix, par souci impérieux de ne point incommoder la clientèle. Tout ce qu’il a le droit de faire, le nettoyeur, c’est espérer que vous ne détournerez pas le regard de sa soucoupe et que vous consentirez à y jeter un peu de petite monnaie. Sinon, tant pis pour lui. (...)
« C’est la nouvelle politique de la maison, la façon la plus efficace qu’on ait trouvé pour assurer la propreté des toilettes, qui est un vrai problème dans le centre de Bruxelles. En face, au McDonald’s, ils font pareil. » Pas de salaire, pas de statut, pas de droits : la formule magique pour optimiser le rendement. Sait-il au moins combien de sous son nettoyeur peut espérer comptabiliser à la fin du mois ? « J’en sais rien. Ce n’est pas mon problème puisqu’il n’appartient pas à l’équipe du restaurant. »
On se demande pourquoi le gouvernement français, pourtant si prompt à encourager l’entrepreneuriat, n’a pas encore pris exemple sur la Belgique pour assouplir un peu plus son droit du travail et célébrer en grande pompe le retour des « dames pipi » – ou des « messieurs dames pipi », pour reprendre la délicate terminologie du gérant bruxellois – dans les restaurants bien de chez nous. Gageons que cela ne saurait tarder. (...)