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La décennie 80, tournant libéral et fin de la politique
Article mis en ligne le 22 janvier 2020
dernière modification le 21 janvier 2020

Pour bien comprendre la période actuelle, il est important de replonger dans la décennie 80, celle du grand tournant libéral, celle aussi de la naissance de la pensée unique et des discours sur la fin de la politique, voire même de l’Histoire. Pour cela, retour sur une série d’émissions passionnantes de Là Bas Si J’y Suis avec Lordon, Halimi et Cusset

En lien avec notre récente interview de Romaric Godin à propos de son livre « La guerre sociale en France » (partie 1, 2, et 3) sur la montée du néolibéralisme, nous proposons de revenir plus particulièrement sur la période charnière de la décennie 80. (...)

Nous recommandons vraiment l’écoute de l’ensemble des 7 émissions de l’époque (disponibles en MP3 sur la-bas.org), mais si vous manquez de temps, nous vous facilitons l’écoute avec un montage en deux grandes parties : l’une chronologique sur le déploiement du néolibéralisme, et l’autre sur le thème de la fin de la politique et des alternatives. (...)

Cette série d’émissions est réellement passionnante et n’a pas pris une ride, bien au contraire, quand on l’écoute en 2019 sous Macron. On a d’ailleurs parfois l’impression que rien n’a changé depuis ces années 80, que les mêmes sujets, les mêmes controverses, les mêmes acteurs occupent toujours le devant de la scène. On y entend parler de rigueur, de restaurer la compétitivité des entreprises, de Front National et de vote utile pour l’éviter, de privatisations, de réconcilier les français et l’entreprise, de crises financières, de l’ISF, de gouverner au centre, etc… Cela en est presque vertigineux ! (...)

Conclusion des deux émissions

Pour conclure, les intervenants se demandent quand est-ce que se sont terminées ces années 80 cauchemardesques, et une réponse possible serait de dire qu’on est toujours dedans, la parenthèse néolibérale ne s’est pas refermée, de même que les discours idéologiques qui l’accompagnent. Malgré tout, les premiers signes de retour du politique sont apparus dès 1992 avec la victoire très étriquée du Oui au référendum de Maastricht, malgré une coalition pour le Oui de l’ensemble des élites, des socialistes et de la droite, soutenus par une intense propagande médiatique. On redécouvre à cette occasion qu’il y a un peuple, qu’il ne partage pas forcément l’avis de ses dirigeants, et qu’il y a également des classes sociales, les ouvriers/employés ayant voté majoritairement Non, contrairement aux cadres sup et professions libérales. Pour Lordon, la chute du mur a également ouvert une période d’expérimentation en vraie grandeur de la transition vers le marché des économies post-socialistes, qui va conduire à une infirmation retentissante de la doctrine même du libéralisme, qu’on peut lire à l’aune de l’effondrement spectaculaire de l’espérance de vie en Russie. Le retour du politique et du peuple s’opère aussi avec le conflit social et les grèves de l’hiver 1995.

Deux décennies plus tard, le climat intellectuel n’est plus du tout le même que dans les années 80, la critique de l’ordre néolibéral est beaucoup moins marginale (...)

Pour Lordon, le travail d’imprégnation culturelle de la société par les valeurs du capitalisme, la cupidité et l’individualisme notamment, s’est poursuivi et produit toujours ses effets. La différence principale est qu’à l’époque, on pouvait vanter les charmes du modèle libéral et sa modernité tant qu’il n’avait pas produit ses effets réels. Désormais, on en voit les conséquences en vraie grandeur, et cela a changé le regard du salariat qui en bave tout en voyant prospérer une minorité. (...)

Halimi rappelle d’ailleurs que dans tous les sondages internationaux réalisés, les français sont ceux qui soutiennent le moins le modèle néolibéral…

Cette émission datant de 2007, il faudrait évidemment compléter ces analyses suite à la crise de 2008 qui a fait vaciller ce modèle mais pas suffisamment, puisqu’on assiste au contraire à des tentatives d’approfondissement dans plusieurs pays, dont la France depuis 2010 et encore plus sous Macron (comme détaillé par Romaric Godin dans son dernier livre).

Mais pour finir sur une note d’espoir, espérons que la période de lutte sociale que nous vivons en France, et qui fait écho à de nombreuses autres dans le monde, soit le prélude à un vrai renversement de ce modèle néolibéral.

L’Histoire se remet en marche, n’en déplaise à Macron.