
En réduisant les impôts, le gouvernement gâche une occasion historique de réformer les services publics. La question est désormais de comprendre comment on a pu en arriver là. Le point de vue de Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités.
Le plan de 50 milliards d’économies sur les dépenses publiques offre à notre pays des marges de manœuvre énormes. Si ces milliards avaient été utilisés pour répondre aux besoins de la population plutôt qu’à réduire les impôts, les services publics auraient pu changer de visage. Une occasion de construire une société plus juste vient d’être gâchée. Comment a-t-on pu en arriver là ? Si l’on veut avancer dans le débat, il faut essayer de le comprendre.
Le président de la République a réussi à faire intégrer l’idée qu’il fallait économiser l’argent public. Jusqu’à l’équivalent de 50 milliards d’euros par an en 2017. Voilà une opération courageuse. Elle représente l’équivalent de l’ensemble du budget du ministère de l’Education nationale, du primaire au lycée. Les lobbies de la dépense - aussi puissants que ceux des niches fiscales - défendent déjà leur cause. Au premier poste évoqué, la politique familiale. Les conservateurs - qui par ailleurs voudraient doubler les économies budgétaires - sont déjà sur les barricades. Cela promet quelques beaux débats. On va raboter là où cela fait le moins de bruit, pas toujours là où l’argent public est le moins nécessaire : dans les prestations sociales notamment. Plutôt que d’utiliser ces économies pour répondre aux besoins de la population - dont toute une partie prend la crise de plein fouet - le gouvernement n’a rien trouvé de mieux à faire que de les jeter par la fenêtre : 46 milliards par an destinés à réduire les prélèvements des entreprises et des ménages.
Cette politique [1], née dans les cerveaux d’une poignée d’énarques de l’Élysée, conduit à une faillite économique et sociale. Comment l’expliquer ? Trois grands facteurs ont joué.
Premier point : le pouvoir a perdu le contact avec la société. (...)
Deuxième point : les catégories les plus favorisées maîtrisent la communication publique et savent utiliser les médias comme caisse de résonance. (...)
Troisième point : le gouvernement paie sa démagogie anti-riches de l’été 2012 [3]. (...)
Faire payer les plus aisés, qui continuent de s’enrichir quand la France s’enfonce, est une bonne chose. Prétendre qu’eux seuls doivent payer dans une crise comme celle que l’on connaît aujourd’hui et que l’on peut s’épargner un effort plus général est un mensonge économique et une faute politique. L’universalisme de l’impôt assure la légitimité de la redistribution. C’est parce que chacun met la main à la poche, que l’on peut prendre au riche pour donner au pauvre. Concentrer l’impôt sur le revenu en exonérant encore plus de foyers est exactement l’inverse de ce qu’il conviendrait de faire.
Que l’on soit de gauche ou de droite, l’alternative consiste à défendre le sens de l’effort collectif associé à un projet d’ensemble. Malheureusement, la démagogie l’a emporté dans les deux camps (...)
La droite va reprendre la barre, mais elle est dépassée. Des communicants malins à l’Elysée ont réussi à lui piquer sa politique. (...)
Si gauche et droite ne se ressaisissent pas, c’est l’extrême droite qui raflera la mise.