
Le 18 décembre 2014, le Mozambique est devenu, après la Tunisie, l’Afrique du Sud et le Cap-Vert, le quatrième pays africain à légaliser l’interruption volontaire de grossesse.
Cette réforme constitue une avancée importante dans un continent où la plupart des pays disposent de législations restrictives en matière d’avortement héritées de la colonisation.
Cependant, les dispositions législatives sur l’avortement en Afrique subsaharienne varient significativement en fonction des pays. Celles-ci sont soit, restrictives et n’autorisent l’interruption volontaire de grossesse qu’en cas de cas de danger pour la vie de la mère (Côte d’Ivoire, du Mali, Nigeria, Tanzanie, Sénégal, ect…), soit elles permettent l’avortement en cas de risque de santé physique, de viol, d’inceste ou de malformation congénitale (Burkina-Faso, Kenya, de l’Ethiopie, Guinée Equatoriale, Bénin, Niger, ect…) ou elles n’autorisent l’avortement que pour des motifs socio-économiques (Zambie).
Cette prohibition du recours à l’interruption volontaire de grossesse a des conséquences néfastes pour les femmes et entraîne le recours à des pratiques abortives dangereuses. En effet, selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), on estime à 5 millions le nombre d’avortements pratiqués en Afrique dans des conditions sanitaires dangereuses et désastreuses avec risque de mortalité. Ces méthodes d’avortement, incluant l’insertion d’objets dans l’utérus, les produits chimiques, des pratiques issues de la pharmacopée traditionnelle et l’utilisation de médicaments en surdosage, ont de graves conséquences sur la santé des femmes (lésions des organes génitaux, douleurs pelviennes chroniques, infections, problèmes de stérilité,…).
En outre, la mortalité maternelle est également une résultante de l’avortement pratiqué dans de mauvaises conditions sanitaires. (...)
La dépénalisation de l’avortement en Afrique subsaharienne est donc une urgence sanitaire mais également morale. L’interdiction de l’interruption volontaire de grossesse est une atteinte aux droits des femmes de disposer de leur corps.
La place importante de la religion dans les sociétés subsahariennes explique cette forte opposition à l’avortement. En effet, l’islam et le catholicisme, les deux religions les plus pratiquées sur le continent, interdisent l’avortement et l’assimilent à un « meurtre ».
Il n’est nullement question ici de remettre en cause des dogmes religieux, il s’agit de plutôt d’envisager cette problématique sous le prisme de la santé et sous celui des droits fondamentaux des femmes. Les femmes doivent pouvoir contrôler leur sexualité et maîtriser leur fécondité conformément à la notion de droits reproductifs[1] tels que définis par la Conférence internationale sur la population et le développement du Caire en 1994.
Malheureusement, force est de constater que ces derniers ne sont pas toujours respectés dans les pays où l’avortement est interdit et que cela entraîne de graves dangers pour la santé des femmes comme décrits ci-dessus.
La dépénalisation de l’avortement est donc une nécessité afin de permettre à la femme, seule, de décider si elle désire ou non mener sa grossesse à terme.
Mais au-delà de la problématique de l’avortement, il est nécessaire d’aborder également celle de la planification familiale. Le choix de l’avortement ne devrait jamais se poser pour une femme, l’avortement ne doit pas être une fin en soi. Il est un choix difficile posé dans une situation spécifique afin de répondre à une détresse, à des difficultés ou à un vécu personnel difficile ou compliqué.
Parce qu’une femme ne devrait jamais avoir à endurer l’expérience traumatisante et éprouvante qu’est un avortement, il est également important que la planification familiale soit plus efficace et que la sensibilisation aux moyens de contraception soit plus importante sur le continent. C’est une nécessité en Afrique subsaharienne où seulement 23% des femmes utilisent un moyen de contraception et où il y a un déficit d’information et d’accès à la contraception qui mène à des grossesses non désirées. (...)