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Le Monde
La disposition-phare de la loi Avia contre la haine en ligne censurée par le Conseil constitutionnel
Article mis en ligne le 19 juin 2020
dernière modification le 18 juin 2020

Pour les membres du Conseil constitutionnel, les obligations pesant sur les réseaux sociaux de retirer en vingt-quatre heures les contenus illégaux n’étaient pas compatibles avec la liberté d’expression.

Le Conseil constitutionnel a censuré, jeudi 18 juin, la mesure-phare de la controversée proposition de loi contre la haine en ligne, portée par la députée La République en marche (LRM) de Paris Laetitia Avia et fortement soutenue par le gouvernement. Adoptée le 13 mai dernier, la loi devait entrer en application au 1er juillet : mais elle est désormais privée de sa colonne vertébrale. (...)

Pour le juge constitutionnel, l’obligation faite aux réseaux sociaux de supprimer, dans les vingt-quatre heures, sous peine de sanctions pénales, les contenus « haineux » qui leur sont signalés n’est en effet pas compatible avec la liberté d’expression. Il donne ainsi raison aux opposants du texte, qui dénonçaient les risques de surcensure des messages postés par les utilisateurs de plates-formes en ligne comme Facebook, Twitter, Snapchat ou YouTube (propriété de Google).

La décision contre l’obligation de retrait en vingt-quatre heures est un revers pour les défenseurs de la loi. « C’est le cœur du texte », affirmait Mme Avia, pour justifier, en mai 2019, le maintien de cette disposition déjà controversée. Ce versant était proche de l’esprit de la loi allemande NetzDG concernant les réseaux sociaux, adoptée en janvier 2018 et elle aussi contestée.

Simple signalement

Pour appuyer sa décision, le Conseil constitutionnel pointe notamment le fait que les réseaux sociaux étaient, selon la loi, censés se prononcer sur la simple base d’un signalement d’un de leurs utilisateurs, sans l’intervention d’une autorité extérieure comme un juge. Par ailleurs, les membres du Conseil constitutionnel ont noté que le dispositif imaginé par la loi Avia imposait à ces mêmes entreprises de prononcer une évaluation juridique précise de chacun des propos signalés, alors même que cette évaluation pouvait revêtir une « technicité juridique » ou dépendre du « contexte » dans lequel ils ont été publiés. Le tout dans un « délai extrêmement bref ». Tout en les exposant à une sanction pénale dès la première erreur. (...)

Bref, résume le Conseil constitutionnel, la loi incitait « les opérateurs de plate-forme en ligne à retirer les contenus qui leur sont signalés, qu’ils soient ou non manifestement illicites ». Le texte portait donc « une atteinte à l’exercice de la liberté d’expression et de communication qui n’est pas nécessaire, adaptée et proportionnée ».

C’est même l’ensemble du volet répressif de la loi qui est censuré par le Conseil constitutionnel, ce dernier ayant également jugé incompatible avec la Constitution l’obligation faite à ces mêmes réseaux sociaux de supprimer en une heure tout contenu pédopornographique ou terroriste qui leur serait signalé par les autorités. Le Conseil constitutionnel souligne que cette catégorisation était « soumise à la seule appréciation de l’administration » et que le délai d’une heure empêchait matériellement toute intervention judiciaire. Là aussi, la liberté d’expression a été méconnue, selon le Conseil.

Seul demeure le volet préventif de la loi (...)