
L’hémorragie de capitaux d’origine illicite dont l’Afrique est le théâtre sape la capacité de nombreux gouvernements à assurer les services de base à leur population. Cette perte serait d’au moins 76 milliards d’euros (88,6 milliards de dollars) par an selon la dernière évaluation retenue dans le rapport 2020 sur le développement économique de l’Afrique, publié lundi 28 septembre par la Conférence des Nations unies sur le développement (Cnuced). Une somme qui avoisine le cumul annuel de l’aide publique au développement et des investissements directs étrangers reçus par le continent entre 2013 et 2015.
Ces sorties de capitaux empruntent différents canaux. La corruption, la contrebande, l’évasion fiscale en font partie, mais c’est de loin la manipulation des facturations dans le secteur des industries extractives qui alimente le plus généreusement cette délinquance. La Cnuced estime que le maquillage de ces flux commerciaux permet de soustraire 40 milliards de dollars par an aux yeux des administrations douanières. L’opération consiste pour les entreprises – souvent des multinationales – qui s’y adonnent à sous-facturer le montant des exportations afin de percevoir le bénéfice de la transaction sur un autre compte ouvert dans un pays tiers. La surfacturation des importations permet, de son côté, de faire sortir des revenus acquis de manière occulte.
Le secteur de l’or en tête (...)
Le rapport de la Cnuced se veut l’occasion de rappeler que la présence de cette économie souterraine dans un Etat va souvent de pair avec une faiblesse des ressources consacrées aux services de base. « Les budgets sont en moyenne inférieurs de 25 % dans le domaine de la santé et de 58 % dans celui de l’éducation dans les pays où les flux illicites de capitaux sont importants », pointent les auteurs. De plus, dans ces pays, les méthodes d’exploitation des ressources minières sont aussi parmi les plus « sales » pour l’environnement.
L’enjeu d’un contrôle accru de cette économie mafieuse n’est donc pas seulement financier. Face à cette criminalité organisée, les initiatives pour contrôler ces mouvements de capitaux ont jusqu’à présent connu peu de retombées, constate le rapport qui, en conclusion, insiste sur la nécessité de renforcer la collecte des données douanières et fiscales pour permettre de mieux identifier les sources de détournements.