
LESBÂTISSEURS A 27 ans, la militante pour les droits humains et élève avocate Anina Ciuciu annonce au Bondy Blog sa candidature officielle pour devenir sénatrice du 93 lors de l’élection du 24 septembre 2017. Une première pour une Française rom. Aline Archimbaud, parlementaire sortante, l’a encouragée à se présenter et 150 personnalités appellent aujourd’hui les partis à lui accorder une place d’éligibilité sur une liste de gauche.
Anina Ciuciu se présente pour être sénatrice. Elle est jeune, 27 ans, c’est une femme, elle a grandi dans un quartier populaire et cerise posée sur la chantilly du gâteau : elle est rom. Autant dire, avec toute l’ironie du monde, le profil type. Mais un moment passé avec Anina, et on saisit vite que c’est son parcours qui a amené l’élève-avocate engagée à prendre cette décision. Une décision qui marquera l’histoire : c’est la première candidate rom à se présenter pour devenir parlementaire.
Je la rencontre pendant une heure dans un café parisien. Anina me raconte son enfance. On comprend, si on en doutait, que les Roms sont comme tous les humains : mendier à un feu rouge n’est pas un trait culturel et ils en souffrent. “C’est très humiliant de mendier, affirme-t-elle. J’ai vu ma mère pleurer presque chaque soir. Ça reste gravé en moi. Elle l’a fait pour mes sœurs et moi. A l’école, elle se cachait des profs et de mes camarades parce qu’elle ne voulait pas nous faire honte, alors qu’on l’avait convoquée pour la féliciter de nos bons résultats…”
C’est pourtant en mendiant qu’elle et sa famille font une rencontre capitale. C’était dans les années 1990, à Bourg-en-Bresse, à 80 kilomètres au nord-est de Lyon. “Jacqueline, une enseignante, est venue nous parler un jour où ma mère mendiait sur un marché. C’est grâce à elle qu’on a pu aller à l’école. Les mairies exigent souvent des domiciliations administratives pour être scolarisé même si c’est illégal. Jacqueline De La Fontaine nous en a procuré une”. La scolarisation, un droit normalement accordé à tous les enfants qui touchent le sol de France. C’est à partir de ce moment qu’Anina comprend le parcours du combattant qui l’attend. (...)
Jacqueline, l’institutrice bienfaitrice avait reconnu qu’Anina et sa mère étaient des Roms de Roumanie. Non pas parce qu’elles mendiaient mais parce que cette institutrice connaissait bien le pays d’où viennent les deux femmes. “J’était au courant des problèmes des Roms en Roumanie. J’avais fait plusieurs voyages là-bas, dans le cadre d’un jumelage entre villages, du temps où le pays était encore communiste. Le rejet de cette population, ça ne me plaisait pas. J’ai rencontré des Roumains qui partageaient mes points de vue, ils m’ont fait connaitre des Tziganes…”, raconte Jacqueline. (...)
Très souriante jusqu’à ce moment de l’interview, son visage devient grave quand ressurgissent ses souvenirs d’enfance. “Quand il y avait des nouveaux, des étrangers, je n’ai jamais voulu être du côté du groupe, de ceux qui se moquaient. J’ai toujours pensé qu’on est plus fort quand on est du côté des faibles”. Ce que Jacqueline confirme. “C’était une petite fille qui ne supportait pas les injustices. Elle venait souvent nous voir quand quelque chose n’allait pas dans l’école. Je me disais : un jour elle sera avocate’”. C’est ce qui s’appelle avoir le nez creux. L’année dernière, Anina Ciuciu a réussi le concours d’entrée au barreau de Paris. “Au départ je voulais être juge, confie-t-elle, mais son rôle est de faire appliquer la loi. Moi, je veux défendre les faibles, les opprimés, quels qu’ils soient”. (...)
Elle a démissionné du poste de conseillère honorifique sur les problématiques des Roms auprès du Premier ministre roumain Victor Ponta. “Mes possibilités d’actions étaient limitées”, explique-t-elle. Elle déteste également être réduite à sa simple identité Rrom ou à son passé difficile. “Quand un journal titre ‘Anina ex-mendiante rom, future juge’ ça me blesse profondément. C’est très réducteur”.
Nelson Mandela, son modèle
Rom, roumaine, française, jeune femme de quartier populaire, “et fière de l’être”, cette future avocate se présente donc pour être élue à la chambre haute “Une tribune pour défendre tous ceux qui sont dans une situation d’injustice, comme les réfugiés syriens, les mineurs isolés, les victimes de contrôle au faciès, les familles pauvres”. (...)
Les discussions ont commencé avec les partis de gauche, EELV en premier lieu. Objectif pour Anina Ciuciu et son équipe : lui permettre d’être investie en position éligible, en première ou deuxième position sur une liste de gauche. 150 personnalités publient sur le Bondy Blog un appel à soutenir sa candidature, s’engageant “à promouvoir sa candidature auprès des grands électeurs et appelant les partis politiques de l’arc écologiste et progressiste à lui faire une place en position éligible sur leur liste”.
Pour conclure, je lui demande si elle a un modèle dans la vie, un héros qui l’inspire. “Nelson Mandela”, répond-t-elle sans hésiter. Un avocat issu d’un peuple opprimé qui a œuvré pour un monde plus juste. Forcément…