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« La gauche du futur couve déjà dans les mobilisations actuelles »
Article mis en ligne le 27 février 2017
dernière modification le 22 février 2017

Qu’est-ce qu’être de gauche selon vous ? Y a-t-il encore du sens à se dire de gauche ? Comment voit-on la gauche du futur ? Quelles sont ses valeurs, ses idées, ses projets, ses défis ? #imagineLaGauche, c’est la série lancée par Basta !, pour comprendre, reconstruire, rêver, renouveler, mettre en débat… Salariés, chômeurs, retraités, étudiants, paysans, militants associatifs, syndicalistes, artistes, chercheurs, jeunes et moins jeunes, témoignent.. Aujourd’hui, Alain Bertho, universitaire à Saint-Denis.

Aujourd’hui, la notion de gauche est devenue très obscure. Les marqueurs traditionnels de la gauche du 20ème siècle sont éclatés. Certains les mobilisent de manière incantatoire, d’autres les piétinent, d’autres enfin font les deux à la fois. Tel est sans doute le résultat le plus dramatique de l’épreuve du pouvoir comme de sa contestation sans principe. Que devient l’idée de protection sociale après la loi Macron suivie de la loi El Khomri ? Où sont passées les valeurs de liberté et d’État de Droit dans la prolongation sans fin de l’état d’urgence ? Comment porter les valeurs de l’antiracisme, de la laïcité, de la tolérance et laisser se propager voire promouvoir une islamophobie incontrôlable ? Le débat sur la déchéance de nationalité a dévasté la notion de nation citoyenne. Sur l’écologie, la gauche adopte des positions qui vont du productivisme maintenu à la décroissance. Même la défense des droits humains au plan international ne fait plus consensus : qu’une gauche dite insoumise ait plus que de l’indulgence sur l’intervention de la Russie aux côtés du régime de Bachar el-Assad est assez dramatique. (...)

Pour une autre perspective productive et démocratique

La gauche ne rêve plus. Comme dit Slavoj Žižek, « il est aujourd’hui plus facile d’imaginer la fin du monde que la fin du capitalisme ». De graves menaces planent sur le monde. (...)

Nous sommes en panne d’avenir. Ce « No future » fait aujourd’hui le lit des récits religieux, des engagement millénaristes et meurtriers ou de mobilisations purement identitaires. Le djihad d’un côté ou l’égoïsme national xénophobe de l’autre. Il est urgent de rêver la fin du capitalisme rentier qui tue la planète et appauvrit l’humanité.

Socialisme et communisme portaient une grande idée : celle de l’abolition de l’exploitation du travail dans le rapport salarial marchand. Le discours dominant à gauche aujourd’hui est celui de la préservation acharnée de ce salariat même au prix, pour certains, de la « baisse du coût du travail », c’est-à-dire de la hausse de l’exploitation. Or l’abolition du salariat a commencé et dans les pires conditions. La révolution numérique dans une logique marchande détruira toujours plus d’emploi en remplaçant une part des salariés par des robots. (...)
Socialiser le travail

Le vrai collectif de travail « industriel » est aujourd’hui la société urbaine, ses activités culturelles, ses capacités de coopération y compris militante, d’auto-formation aux nouvelles technologies. Les entreprises s’en nourrissent et refusent de le payer à sa valeur. Il faut assumer cette révolution culturelle : une part non négligeable du travail est aujourd’hui social. Il doit être rémunéré par des dispositifs collectifs qui protègent la vie et le travail des aléas du marché et de la rentabilité comme a commencé à le faire la Sécurité sociale il y a 60 ans. (...)

La Gauche mourra si elle se contente de défendre ces acquis sans ouvrir des nouveaux possibles. Une fois ce principe acquis, on peut discuter des différents scénarios possibles : sécurité sociale professionnelle, revenu universel, revenu contributif…. La gauche du 20ème siècle voulait socialiser les entreprises. Il faut aujourd’hui réfléchir aux moyens de socialiser le travail. (...)

La politique est en panne car la démocratie est en crise. Les États sont pris dans les filets des marchés financiers mondiaux. Ils sont tous atteints par des formes variées de corruption et de généralisation du mensonge officiel, générant des rages populaires qui peuvent être aussi violentes qu’impuissantes. De Trump au Front national en passant par le Brexit ou le mouvement Cinq étoiles, ce qu’on appelle populisme exprime les effets de cette impasse démocratique sur l’absence de futur commun.

L’émergence d’une expertise populaire

Le rejet général des partis n’est pas un effet de mode. (...)

Une nouvelle figure démocratique s’exprime aujourd’hui dans les formes mêmes des mobilisations. Les occupations de places, de la place Tahrir du Caire au parc Zuccotti à New York – avec Occupy Wall Street – en passant par Athènes, Tunis, Barcelone, Tel Aviv, Paris ou Madrid, ne sont pas de simples manifestations mais toujours d’immenses forums. Ces forums manifestent de manière spontanée l’exigence massive d’une expertise populaire et la volonté de construire sans intermédiaire un nouveau récit collectif.

Passer du ressentiment à la puissance

Le travail socialisé de la révolution numérique constitue un peuple socialement et politiquement plus diversifié, plus créatif et plus compétent que jamais dans l’histoire. Ce peuple fait quotidiennement l’expérience de la corruption du débat public et de l’incompétence des pouvoirs. Comment passer du ressentiment à la puissance ? Comment donner confiance et armer cette expertise populaire sans se contenter d’en chercher une « traduction politique » partisane à l’ancienne ? Tel est l’enjeu politique majeur de l’époque.

La gauche du futur, j’espère pouvoir la voir. Elle couve probablement dans toutes ces mobilisations collectives qui, sans la moindre reconnaissance ni visibilité médiatique, travaillent à chercher des possibles à l’échelle où sont les gens qui les animent. (...)