
Qu’est-ce qui choque le plus ? La violence des émeutiers de Ferguson ? Ou celle des forces “de l’ordre” ultra militarisées chargées de les arraisonner ? Ou encore celle du policier blanc de cette petite ville du Missouri qui a froidement abattu un jeune noir désarmé d’au moins six balles, dont deux dans la tête ?
Qu’est-ce qui choque le plus ? La folie meurtrière d’un djihadiste dingue assassinant en live le malheureux journaliste américain James Foley, habillé symboliquement dans le même uniforme orange que les prisonniers de Guantanamo ? Ou celle des drones US, des bombardiers israéliens massacrant aux quatre coins du monde des civils à la pelle à grands coups de “tirs ciblés” au nom de la “Démocratie” et du “Bien” ? (...)
Le pathos médiatique autour de l’assassinat du malheureux Foley a quelque chose d’obscène, quand les mêmes médias repoussèrent en se bouchant le nez les dizaines de photos de mômes pulvérisés sur Gaza, quand ils sanctifient les livraisons d’armes à un pouvoir ukrainien tirant à l’arme lourde sur ses concitoyens de Donetsk et de Lougansk (plus de 2 000 morts à l’heure qu’il est). (...)
Oui, la guerre qui vient, déjà bien installée si l’on se réfère à la carte des conflits qui ravagent aujourd’hui notre planète[3], sera obscène et choquante.
Obscène et d’autant plus choquante que cette guerre qui ne dit pas encore son nom se répand au cœur même de l’Empire menacé et gangrène ses fondations. Et qu’y prennent part de plus en plus de civils ivres de fureur partis à l’assaut de citadelles en perdition, protégées par des gardes-chiourmes casqués, bottés, surarmés et formés aux guérillas urbaines. (...)
Il faut, écrit un certain Pascal Roussel dans un billet de blog publié sur les-crises.fr, échapper absolument à l’égrégore qui s’empare de l’opinion publique dans ces situations extrêmes[4].
L’égrégore, explique Pascal Roussel, c’est le terrible esprit de groupe, dit encore esprit partisan, la réaction pulsionnelle de l’inconscient addictif, l’esprit de lynchage qui ébranle les foules désemparées hurlant à l’unisson leurs anathèmes caricaturaux contre l’ennemi désigné du moment.
L’égrégore, c’est la répulsion partagée du Juif, de l’Arabe, du Rom, de l’étranger quel qu’il soit, la tentative d’exorcisme malsain et pathétique, par boucs émissaires interposés, de nos terreurs face à nos défaites, en l’occurrence celle d’un système usé confit d’arrogance.
Le monde d’après appartiendra à ceux qui auront résisté à ces déroutes collectives, aux égrégores.