
Lampe torche sur le visage des enfants, contrôles et fouilles systématique... Chaque nuit des exilés, dont de nombreux enfants, sans solution d’hébergement d’urgence, se voient empêcher par la police d’installer la moindre tente pour dormir. Une politique indigne dans la ville et la région la plus riche de France.
Les associations de terrain et militants préfèrent parler des « exilés » plutôt que des « migrants ». Comme l’explique Noémie L., référente du pôle familles à l’association Utopia 56 , qui travaille sur le terrain auprès des familles d’exilés : « Le terme migrant désigne un processus inachevé qui représenterai le fait qu’une personne soit "migrante" toute sa vie. Il relève d’un refus de considérer que la personne est arrivée, qu’elle est émigrée ou immigrée et non pas migrante en transit. Par ailleurs, c’est un mot utilisé à tort et à travers par les médias et politiques, qui l’utilisent avec la distinction qui n’a pas de sens entre "migrant économique" et "migrant politiques". Au contraire, le terme "exilé" va juste désigner quelqu’un qui n’a pas eu d’autre choix que de prendre le chemin de l’exil à un moment donné, peu importe la raison. »
Chaque soir, dans le nord de Paris, la même galère pour trouver un endroit pour dormir. (...)
« Il y a un énorme manque de dispositif de pré-accueil des familles mais aussi de l’accueil une fois qu’elles sont rentrées dans le processus de demande d’asile. C’est une responsabilité tout d’abord étatique qui est censé les prendre en charge mais on se rend compte qu’il y a une volonté politique de décourager ces populations exilées en limitant les places d’hébergement et en rendant ce parcours très complexe, et très difficile pour ces familles. » (...)
Une expulsion choquante et traumatisante
Ces dernières semaines, certaines personnes exilées, y compris des familles avec enfants, s’installaient chaque soir sur les quais devant le centre commercial du Millénaire et le matin elles repartaient après avoir été délogées par la police. Mais dans la nuit du 22 au 23 septembre, la police est intervenue en soirée et a sommé les exilé.e.s, dont de nombreuses familles, de partir. Comme l’explique Noémie L. sur place cette nuit-là, « plusieurs policiers nous ont dit : "bon il va falloir marcher un ou deux kilomètres pour rejoindre le camp du Stade de France, à Saint-Denis. » Elle précise : « Il faut savoir que c’est un camp très dangereux, tenu par la mafia afghane donc ce serait irresponsable de la part de la préfecture d’envoyer les familles la-bas. Pourtant on a compris que la préfecture avait pris la décision d’évacuer les familles et que l’objectif c’était de les repousser vers le camp du Stade de France. » (...)
Lasses de marcher, les familles se sont assises en protestation sur l’avenue Victor Hugo, jusqu’à ce que la police, renforcée par la Brigade anti-criminalité (BAC), ne les chargent, provoquant une panique générale et l’évanouissement de deux femmes et d’un enfant de trois ans nécessitant l’intervention des pompiers.
En dépit de ce harcèlement policier, les familles ont pu finalement s’installer en pleine nuit sous le pont de Stains (...)
« Chaque jour nous dormons dans la rue, chaque jour nous avons trop de problèmes. J’ai un récépissé mais maintenant mon principal problème est la maison. Pas de maison. Pas de douche. Pas d’argent. Je suis un réfugié. Je n’ai pas de tente. Hier j’ai dormi ici sous le pont (de Stains), et ce soir je veux dormir là aussi car je n’ai pas d’ autre endroit. Mais la police m’a dit que je ne pouvais pas y aller. Je ne comprends pas pourquoi c’est comme ça. La police n’est pas bien. Nous voulons une maison, nous voulons une vie ! Hier, j’ai quitté mon pays à cause de problèmes ; aujourd’hui je viens ici et j’ai des problèmes. Aujourd’hui il fait si froid, on ne peut pas rester dehors », raconte Hani*, 25 ans, de Somalie. Ce soir-là Hani n’avait pas de chaussettes, et se plaignait de ses chaussures qui lui faisaient mal. Le lendemain, les Brigades de solidarité populaire lui ont donné des chaussettes mais il est arrivé au rendez-vous en sandales. Il avait jeté les chaussures qui lui faisaient trop mal. (...)