
Depuis juin dernier, autant de civils que de djihadistes sont morts au cours des offensives contre les deux derniers fiefs de l’organisation État islamique en Syrie. Près d’un demi-million de personnes ont été déplacées.
Raqqa a complètement été libérée par la coalition occidentale et les Forces démocratiques syriennes (FDS). Le régime syrien, soutenu par la Russie, occupe désormais 92% de la ville de Deir Ezzor –deuxième capitale de Daesh en Syrie.
Mais le bilan humain de plusieurs mois de combats acharnés ne cesse de s’alourdir, face au silence international sur les pertes civiles et les abus commis au nom de la lutte contre l’organisation État islamique.
1.200 civils morts à Raqqa depuis juin
Selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), près de 1.200 civils, dont 276 mineurs et 203 femmes, sont morts à Raqqa depuis le 5 juin. Après cinq mois d’une offensive cruciale visant à évincer Daesh de son principal bastion en Syrie,
« Des centaines de cadavres gisent toujours sous les décombres, et autant de civils sont portés disparus », recense Rami Abdel Rahmane, directeur de l’OSDH. « Plusieurs centaines de personnes ont subi des amputations de leurs membres ou sont désormais handicapés, certains sont gravement blessés. »
Le bilan humain est d’autant plus alarmant lorsqu’il est comparé aux nombres de victimes parmi les djihadistes : 1.370 combattants au cours de la même période.
En parallèle, « 80% des habitations de la ville sont démolies ou inhabitables ». Raqqa est désormais une ville fantôme, alors que sa population s’élevait à plus de 300.000 habitants avant l’offensive de la coalition.
À Deir Ezzor, le carnage humain n’est pas moins flagrant : depuis le 10 septembre, plus de 660 civils sont morts selon l’OSDH —880 selon d’autres sources—, tandis que plus de 200.000 personnes ont fui la province.
En parallèle, les actes de vengeance se multiplient au fur et à mesure que les forces loyales à Bachar el-Assad avancent sur le terrain. Ces dernières auraient froidement liquidé –par tirs d’armes à feu ou décapitation– 35 civils en un mois, dont quatre enfants et six femmes, soit « autant que les civils exécutés par l’EI entre juin et septembre », selon la même source. (...)
Enfin, « les 250.000 à 300.000 personnes ayant réussi à fuir Deir Ezzor se sont réfugiés dans la province de Hassaké ou d’autres zones tenues par les FDS, où ils vivent dans des camps de fortune qui ressemblent davantage à des camps de détention, où aucune aide n’a pour l’instant été acheminée […]. Les forces kurdes vendent les produits alimentaires et l’eau, sachant que beaucoup vivaient déjà dans la misère avant leur déplacement forcé […]. Le nombre de tentes étant en outre limité, de nombreuses familles dorment à la belle étoile en attendant un abri, ou dans des fosses qu’elles ont creusées […]. »
On appelle désormais ces regroupements les « camps de la mort ». (...)
Révolte des affamés
L’accès aux zones bombardées ou assiégées est également difficile dans la Ghouta orientale, soumise à un embargo depuis 2013 et désormais dans le collimateur du régime.
Là aussi, les civils paient le plus lourd tribut à une offensive « d’une virulence particulière », selon des témoins sur place, qui vient s’ajouter à plus de quatre ans de siège.
« Les habitants manquent désormais de tout, et les prix ne cessent de grimper depuis la fermeture du passage de Rafidin [...]. Le kilo de sucre se vend désormais à 8.000 livres, contre 400 livres avant la fermeture de cette dernière voie, et 60 livres avant la guerre. Le kilo de riz s’échange à 3.500 livres, contre 700 et 40 livres respectivement [...]. Même le sac de pain, désormais subventionné par les autorités locales, est vendu à 700 livres, contre 325 livres avant le blocage de la dernière voie d’accès et seulement 15 livres avant 2011 », déplore Sayfo, un habitant de la région.
Cette inflation vertigineuse, qui atteint dans certains cas 2.000%, est liée à la forte dévaluation de la monnaie syrienne, qui s’est dépréciée d’environ 100% en six ans de conflit. Mais la flambée des prix est également le résultat d’une pénurie croissante et de « taxes » imposées par le régime syrien sur les produits alimentaires ou les médicaments qui pénètrent la Ghouta, lorsque le transit via le passage de Rafidin est autorisé. (...)