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Metropolitiques
La managérialisation des HLM : vers davantage de discriminations ?
Article mis en ligne le 27 mars 2019
dernière modification le 25 mars 2019

Depuis le milieu des années 1990, les réformes managériales des organismes HLM (indicateurs de performance, obligation de résultats, polyvalence des tâches) transforment les pratiques professionnelles et redéfinissent les modalités d’attribution des logements sociaux, au prix d’une ségrégation et de discriminations renforcées (...)

. L’absence de définition du principe de mixité, conjuguée à l’incapacité des autorités locales à élaborer des normes d’attribution et à s’imposer auprès des bailleurs sociaux, participent à la construction de stratégies de peuplement.

Combinant analyse des politiques publiques et sociologie du travail, cet article repose sur une enquête ethnographique réalisée entre février 2011 et mars 2015 dans six organismes HLM – trois offices publics (OPH) et trois entreprises sociales pour l’habitat (ESH) [4] – implantés dans trois villes françaises, rebaptisées Grandeville, Miville et Petiteville. Fondée sur des entretiens semi-directifs et des observations, l’enquête a consisté à observer le fonctionnement concret de la chaîne d’attribution, depuis le dépôt de la demande de logement jusqu’à son passage en commission d’attribution (Bourgeois 2017). Elle met en lumière trois effets des transformations managériales du travail d’attribution : le durcissement de l’encadrement des agents de terrain, la sensibilité accrue de ces derniers aux enjeux de peuplement et le renforcement des discriminations dans l’accès au parc social. (...)

Les transformations du modèle HLM au risque du client

La managérialisation du travail d’attribution et la gestion du peuplement s’inscrivent dans une même dynamique. Elles s’imbriquent et se renforcent mutuellement : les instruments de peuplement participent à l’encadrement et au contrôle des pratiques professionnelles, quand les instruments managériaux favorisent la prise en compte au guichet des enjeux de peuplement. Pour comprendre cette relation d’interdépendance, la notion de risque apparaît centrale. Le développement de stratégies de peuplement vise à encourager l’anticipation et la prévention des risques, ceux qui menacent les « équilibres résidentiels ».

Cette question du risque a toujours été présente dans le logement social. Si les populations les plus défavorisées n’étaient pas toujours prioritaires pour accéder au parc HLM, ce dernier s’est construit historiquement sur le principe d’une gestion des risques auxquels étaient exposés les ménages, afin de les protéger des aléas de l’existence. Le basculement du modèle HLM ne tient donc pas à l’émergence du risque, mais plutôt à son inversion. Ce n’est désormais plus le risque pour le demandeur qui est pris en compte, mais celui que ce dernier représente pour l’institution (Power 2004), et qu’il s’agit d’évaluer. Cette inversion du risque s’est trouvée renforcée par les réformes managériales, produisant deux effets : d’une part, l’effritement de la vocation sociale du parc HLM ; d’autre part, le renforcement des pratiques discriminatoires dans le processus d’attribution des logements sociaux.