
Dans le journal La Croix du 18 décembre 2015, Yvette BAILLY, porte parole du MAN a eu l’occasion d’écrire un texte de réaction non-violente face au terrorisme. Elle s’oppose à une réponse essentiellement sécuritaire pour mettre en avant les causes contre lesquelles il faut lutter.
Le concept de non-violence recouvre plusieurs registres. C’est une philosophie qui délégitime la violence et promeut une attitude de respect de l’autre dans le conflit. C’est une stratégie d’action politique pour combattre les injustices ; c’est aussi un cheminement personnel pour transformer jour après jour sa propre violence.
Les jeunes auteurs d’actes terroristes en France ont souvent grandi dans notre pays. Malgré l’école, malgré les familles qui font ce qu’elles peuvent, certains jeunes se construisent dans l’échec et la dépréciation de soi. Ils ne trouvent nulle part la satisfaction de leurs besoins de reconnaissance, d’estime de soi, de valorisation. Le fait de vivre dans un « entre-soi » ou bien seul face à Internet accentue un sentiment de victimisation, parfois jusqu’à la paranoïa. Les plus exclus ressentent tout ce qui est différent comme une menace. La violence traduit fondamentalement la peur et le rejet de l’altérité. Le passage à l’acte violent peut donner à certains un sentiment de puissance dans une vie jusque-là sans avenir, sans espoir, sans pouvoir.
Quand ces jeunes rencontrent Daech, son idéologie de la haine et sa stratégie théorisée, organisée et financée, ils sont des proies faciles. Le terrorisme se nourrit de fondamentalisme, de déficit éducatif et d’injustice sociale. Nous suggérons quelques leviers pour agir :
Le MAN propose dans les établissements scolaires des ateliers sur la régulation des conflits, occasions parmi d’autres d’expérimenter qu’écouter un avis contraire au sien peut faire grandir, et que la différence peut être source d’enrichissement. Nous y rencontrons des jeunes qui ont du mal à intégrer la loi. Il est indispensable de restaurer une autorité ferme et bienveillante : garantir des règles qui structurent, protègent et rassurent, organiser la circulation d’une parole vraie, respectée et respectueuse, autoriser chacun à développer ses talents et redonner de la valeur à la notion de bien commun. (...)
La non-violence n’exclut pas la fonction de police et la sanction lorsqu’il y a transgression de la loi et passage à l’acte. Il faut donc intensifier le démantèlement de tous les trafics, notamment des armes, qui alimentent des marchés mafieux. La prison est de plus en plus reconnue comme un lieu d’escalade vers le grand banditisme et vers la radicalisation. Il est urgent d’y faire régner le droit, d’y développer la formation des surveillants, de juguler l’endoctrinement, d’éviter la surpopulation carcérale, de développer des alternatives axées sur la responsabilisation, le soin et la réinsertion dans la vie active.
Enfin, il faut reconnaître que la France joue avec le feu depuis plusieurs décennies. Elle participe à la déstabilisation de régions sensibles, en Irak, en Afghanistan, mais aussi en Libye et au Mali. En Syrie, la France n’a pas su apporter son soutien aux initiatives citoyennes anti-guerre qui avaient émergé au début de la révolte. La France est devenue en 2015 le deuxième exportateur d’armes. Le premier acheteur d’armes françaises est l’Arabie saoudite, financeur de Daech. Par ailleurs, la France maintient une dissuasion nucléaire coûteuse et inefficace contre la menace terroriste. Des sommes astronomiques pourraient être affectées aux chantiers que nous avons évoqués.
Des actes barbares comme ceux qui ont été commis le 13 novembre peuvent hélas se reproduire car aucun dispositif sécuritaire n’empêchera un groupe déterminé à les commettre. Travailler sur les causes est donc une nécessité absolue. Oui, la non-violence construit un monde un peu plus apaisé !