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Reporterre
La pêche au chalutage profond, désastreuse pour l’écosystème marin, reste autorisée
Article mis en ligne le 18 mars 2016

Le lobbying l’a emporté : dans la nuit du 17 au 18 mars, les députés ont empêché l’interdiction de la pêche au chalut profond. S’appuyant sur l’inquiétude des pêcheurs, et en faisant croire que c’est toute la pêche au chalut qui était concernée.

Déclaration catastrophiste, appel à la démission de Ségolène Royal, blocage symbolique des ports. Depuis mercredi 16 mars, pêcheurs et élus bretons se déchaînent contre l’interdiction possible du chalutage en eaux profondes. Une mesure prévue par l’article 56 du projet de loi Biodiversité, finalement rejetée par l’Assemblée nationale vendredi 18 mars un peu avant une heure du matin. (...)

Pour l’association Bloom, qui se bat contre ce type de pêche depuis des années, ce vote est une catastrophe. « Ce vote ne représente ni la position du gouvernement ni la volonté des Français, qui sont majoritairement en faveur d’une interdiction du chalutage profond et mobilisés sur ce sujet devenu un symbole des enjeux de développement durable ; Cette décision rétrograde ne reflète pas non plus les progrès consentis par le principal acteur industriel de la pêche profonde : Intermarché, qui a engagé sa flotte il y a plus d’un an déjà à ne plus chaluter au-delà de 800 mètres de profondeur. L’issue du vote n’est liée qu’à la présence extraordinaire d’élus des ports industriels de Boulogne-sur-Mer et Lorient, venus en force chahuter cette proposition et s’y opposer », indique l’association dans un communiqué.

« Cela fait des décennies que le secteur de la pêche subit le diktat de la terreur d’un groupe d’individus ne représentant qu’une méthode de pêche, le chalut, mais absolument pas le secteur dans son intégralité », poursuit l’association, qui a récolté près de 900.000 signatures en ligne contre le chalutage profond.

Mais pour Jean Piel, membre du comité des pêches de Bretagne, ce vote est un « immense soulagement » explique-t-il à Reporterre. « C’est aussi un motif légitime de satisfaction, parce que prendre le risque d’interdire le chalutage nous aurait semblé totalement injuste : on ne peut pas porter ainsi atteinte à toute une filière et prendre une décision sur un dossier économique dans le cadre d’une loi biodiversité, alors que cela fait des années que les pêcheurs font des efforts en faveur d’une pêche durable et respectable ». (...)

Alors qui croire ? Dans sa version initiale, l’article indique que les conditions de l’application seront définies « par décret en Conseil d’État ». A première vue, cela semble en effet flou. Mais dans les faits, il existe un consensus pour n’interdire la pêche en eaux profondes qu’à partir de 800 mètres, ce qui exclut la majorité des pratiques de chalutage. (...)

D’après l’Ifremer, « l’inconvénient majeur du chalut de fond est le manque de sélectivité. Car cet engin, constitué d’un filet remorqué par un navire, capture simultanément plusieurs espèces de dimensions et de morphologie différentes. Même s’il ne pénètre pas le sédiment, il détériore les habitats et les organismes posés sur le fond. »

Aussi le chalutage profond est-il reconnu par de nombreux scientifiques comme une technique de pêche destructrice. En 2015, des chercheurs de l’université de Glasgow ont montré que plus la pêche est profonde, plus elle cause de dégâts, sans gains économiques significatifs. Ils préconisent donc une interdiction du chalutage au-delà de 600 mètres. En 2013, plus de 300 chercheurs ont signé une pétition en ce sens, relayée par Bloom. « Bien sûr, l’idéal serait d’abaisser la limite de 800 à 600 mètres », estime Claire Nouvian. « Mais vu la réaction très vive du lobby de la pêche industrielle, mieux vaut avancer pas à pas ! »