
Cette lettre compte 216 signataires, représentant 33 pays (TABLEAU 1). Médecins pour Assange, États-Unis (WH, TGS) ; Médecins pour Assange, Royaume-Uni (SF, WF) ; Médecins pour Assange, Australie (LJ) ; Médecins pour Assange, Allemagne (TGS) ; Médecins pour Assange, Hong Kong (EASN) ; et Médecins pour Assange, Suède (SF, WF)
Le 17 février 2020, Doctors for Assange, un groupe qui compte maintenant plus de 200 médecins, a écrit dans The Lancet demandant la fin de la torture et de la négligence médicale de Julian Assange (1). Depuis lors, aucune autorité responsable n’a agi pour mettre fin, ou même enquêter, sur la torture et la négligence médicale de M. Assange. Au lieu de cela, les actions en cours des États-Unis (US) et du Royaume-Uni (UK), et l’inaction de l’Australie, ont perpétué et intensifié la campagne de persécution collective et de harcèlement judiciaire responsable de la torture de M. Assange, telle qu’identifiée par le professeur Nils Melzer, le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (2).
Cela fait maintenant plus d’un an que deux experts médicaux spécialisés dans l’évaluation et la documentation de la torture ont accompagné le professeur Melzer pour rendre visite à M. Assange à la prison de Sa Majesté (HMP) de Belmarsh, à Londres. Cette équipe a rapporté en mai 2019 que M. Assange présentait tous les symptômes typiques d’une personne soumise à une torture psychologique prolongée. Le professeur Melzer souligne en outre que la torture psychologique n’est pas une "torture légère" et qu’elle vise directement à détruire la personnalité d’un individu (2). Dans ses rapports et déclarations, le professeur Melzer a été catégorique quant à la source de cette torture : les actions combinées des gouvernements des États-Unis, du Royaume-Uni, de la Suède et de l’Équateur. Il a lancé un nouvel avertissement selon lequel les conditions inhumaines de détention de M. Assange à Belmarsh pourraient bientôt lui coûter la vie (2). (...)
Pandémie COVID-19.
Compte tenu de la propagation rapide de COVID-19 au Royaume-Uni, les prisons servant de "vivier" pour les maladies infectieuses, M. Assange court un risque grave de contracter et de succomber au coronavirus. Sur le plan médical, il faut supposer que le risque est bien plus élevé que celui de la population carcérale générale, en raison de son état respiratoire chronique et de ses antécédents de torture psychologique et de négligence médicale, ce qui entraîne une forte probabilité que son système immunitaire soit gravement compromis. En outre, M. Assange est non-violent, il est en détention préventive, il ne purge pas une peine pour un crime et il est détenu arbitrairement selon le groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire (13). Ainsi, il répond aux critères de libération des prisonniers recommandés au niveau international par les associations de défense des droits de l’homme et des avocats pour contenir la propagation de COVID-19 et protéger les personnes vulnérables (14-16). En conséquence, un plan de libération sous caution a été présenté au tribunal, impliquant une détention à domicile surveillée pour M. Assange, avec sa fiancée et leurs enfants.
Néanmoins, le juge de district Vanessa Baraitser a refusé la mise en liberté sous caution de M. Assange. Cette décision, comme nous l’avons déclaré à l’issue de l’audience sur la mise en liberté sous caution (17), a eu pour conséquence que M. Assange est maintenu en isolement cellulaire pendant 23 heures par jour (18). Il s’est également vu refuser une radio pendant plusieurs mois. Ayant d’abord commandé une radio dans le catalogue de la prison il y a six mois, et après qu’un ami de M. Assange ait tenté de lui en envoyer une, et qui lui a été retournée, M. Assange a reçu une radio le 16 juin 2020 (19). L’isolement et la sous-stimulation sont des tactiques de torture psychologique essentielles, capables d’induire un désespoir profond, une désorientation, une déstabilisation et une désintégration de fonctions mentales et psychologiques cruciales (20).
En tant que personne incarcérée uniquement pour son activité d’éditeur, continuer à détenir M. Assange dans ces conditions représente la torture d’un éditeur et d’un journaliste. Dans le contexte des attaques et des arrestations de journalistes lors des récentes manifestations mondiales, son traitement et le précédent qu’il crée sont une source de préoccupation internationale.
Appel à l’action.
Nous avons assisté à ces événements avec inquiétude. Depuis notre lettre de février, plusieurs organisations de défense des droits de l’homme ont ajouté leur voix aux appels internationaux en faveur de la libération de M. Assange et à la condamnation (21-25) de la procédure d’extradition. Amnesty International, qui avait précédemment demandé aux États-Unis de renoncer à leurs accusations d’espionnage (14), a plaidé pour la libération sous caution de M. Assange avant son audience d’urgence (26). En outre, le 20 mars, le Conseil de l’Europe a relevé son "niveau de menace" dans le cas de M. Assange, qu’il considère comme la détention et l’emprisonnement d’un journaliste, au niveau 1 (27), réservé aux "... violations les plus graves et les plus préjudiciables de la liberté des médias" (28).
Nous réitérons donc notre demande de mettre fin à la torture et à la négligence médicale de Julian Assange. Nous nous joignons aux principales autorités mondiales en matière de droits de l’homme et de droit international pour demander sa libération immédiate (...)
Une prise de position de l’Association mondiale de psychiatrie (AMP) souligne que le fait de refuser un traitement médical approprié peut en soi équivaloir à de la torture (29). Ainsi, le fait de ne pas traiter correctement M. Assange peut être assimilé à un acte de torture dans lequel des agents de l’État, du parlement au tribunal en passant par la prison, risquent d’être jugés complices. (...)
Le Dr Allen Keller, directeur du programme Bellevue/NYU pour les survivants de la torture, a déclaré que "en tant que médecins, nous avons un rôle crucial à jouer dans la promotion des droits de l’homme (32)", et le professeur Leonard Rubenstein, de l’Institut de bioéthique John Hopkins Berman, souligne que "la communauté médicale dans son ensemble doit s’exprimer avec beaucoup plus de force contre la torture (33)". Nous avons le devoir professionnel et éthique de nous prononcer contre la torture, de dénoncer les tortures passées, de mettre fin aux tortures actuelles et de prévenir les tortures futures. Des psychiatres et des psychologues cliniciens ont récemment averti que le silence sur la torture de M. Assange pourrait bien faciliter sa mort (34). Le silence doit être rompu.
Si ce n’est pas maintenant, alors quand ? Rejoignez-nous, avant qu’il ne soit trop tard (35).