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La pharma lâche la peine de mort
Article mis en ligne le 10 octobre 2017

Des firmes pharmaceutiques prennent des mesures contre les injections létales, tandis que l’UE et la Suisse se dotent de législations plus contraignantes.

Un jeu qui n’en vaut pas la chandelle. C’est peut-être ce que se disent de plus en plus de firmes pharmaceutiques étasuniennes et européenne pour la vente de produits destinés à l’application de la peine de mort. Depuis un peu plus de cinq ans, une vingtaine d’entreprises de la pharma, dont l’étasunien Pfizer, ont décidé d’adopter des mesures pour empêcher que leurs médicaments ne soient utilisés pour exécuter des détenus. Les géants suisses Roche et Novartis ont eux aussi interdit l’exportation de certains produits vers les Etats américains qui pratiquent encore la peine capitale.

Ces initiatives privées sont aussi encouragées par un contexte législatif en mutation de ce côté de l’Atlantique. L’Union européenne a adopté en 2016 un règlement visant à empêcher toute exportation de produits pharmaceutiques destinés à infliger la mort. La Suisse, quant à elle, a voté l’an passé une loi poursuivant les mêmes objectifs. En revanche, elle ne devrait pas entrer en vigueur avant 2019, selon le Conseil fédéral. En cette journée internationale de lutte contre la peine de mort, retour sur les raisons de ce « sursaut moral ».

« Une gêne réelle et grandissante »

« Pourquoi ces entreprises prennent-elles des mesures pour ne plus être liées à des exécutions ? », s’interroge d’abord Samia Hurst, spécialiste en éthique biomédicale et professeure à l’université de Genève. « Le marché en question est, heureusement, minuscule alors que les coups portés à la réputation sont potentiellement très grands. Cela explique certainement une partie de leurs réticences. D’un point de vue éthique, si l’on agit bien par souci pour soi, cela reste bon à prendre. »

Mais pour la chercheuse, la décision n’est pas uniquement liée à cela. Si elle se montre réticente à croire « qu’il existe un véritable sens moral collectif des entreprise au-delà de celui des individus qui les composent », elle décrit toutefois « une gêne réelle et grandissante, même de la part des producteurs, à l’idée de détourner des moyens médicaux pour tuer ». « Lorsque les activistes contre la peine de mort ciblent les produits utilisés pour exécuter les détenus et expliquent aux producteurs quel usage est fait de leur substance, ils parviennent assez facilement à convaincre les entreprises de se distancer, et ce même dans des pays où la peine de mort n’est pas trop contestée. C’est le cas notamment en Inde, où les sources de produits utilisés dans les cocktails létaux se tarissent. » (...)

En réaction à la diminution des exportations, certains Etats comme l’Utah, l’Idaho et l’Oklahoma ont décidé de revenir à la méthode des pelotons d’exécution. D’autres ont accéléré le rythme des exécutions avant que leurs stocks pour les injections létales ne périment.

Malgré ces dérives, les récentes prises de position de l’industrie pharmaceutique et les textes législatifs adoptés en Europe et en Suisse pourraient contribuer à l’abolition de la peine de mort aux Etats-Unis (...)