
La Papeterie de Docelles, en Lorraine, créée il y a cinq siècles, va fermer. Ainsi en a décidé son propriétaire, un groupe international. Des salariés montent un projet de reprise en coopérative, soutenu par le gouvernement, les collectivités locales et plusieurs banques
Une seule chose manque : la propriété du site. Mais le groupe refuse de le céder, même pour plusieurs millions d’euros. Une entreprise peut-elle dicter ses conditions et envoyer dans la misère 161 salariés, au nom du droit de propriété ? Les pouvoirs publics peuvent-ils réquisitionner l’usine pour que les emplois et savoir-faire locaux restent ? Le droit de propriété peut-il prévaloir sur le droit au travail ? (...)
Deux logiques sont désormais face à face. Celle des salariés qui exigent le maintien des emplois et du savoir-faire local, exigence qui conditionne souvent la vie d’une localité. Celles des actionnaires qui, au nom du sacro-saint droit de propriété, estiment avoir le droit de fermer une usine en bloquant toute perspective de maintien de la production, quitte à laisser celle-ci dépérir. Qu’ils veuillent se séparer d’une unité de production, pourquoi pas. Mais qu’ils en assument alors les conséquences sociales, en laissant aux salariés les moyens de prendre en main leur avenir.
Que va-t-il désormais se passer ? Quelle application de la loi dite « Florange » – qui impose aux entreprises fermant des sites rentables de rechercher un repreneur ? Ici, le repreneur était tout trouvé : la SCOP constituée par les salariés. A ce jour, il n’y a plus d’autres projets de reprises. Quel moyen le gouvernement mettra-t-il en œuvre pour maintenir l’emploi ? Dans l’hypothèse où les salariés occupent l’usine et relancent la production, le gouvernement se rangera-il du côté du respect constitutionnel de la propriété privée ? Fera-t-il expulser les travailleurs ou laissera-t-il faire ? Ce serait une rupture politique fondamentale... Tel sera, n’en doutons pas, un des enjeux des luttes à venir.