
« Plutôt que de diffuser les messages éculés des lobbys de la viande dont il défend les intérêts, le gouvernement devrait se réjouir que de plus en plus de jeunes végétalisent leur alimentation » soulignent les nutritionnistes, professeurs et médecins signataires de cette tribune.
(...) Le menu unique est pourtant bien loin d’être un menu végétarien (et encore moins végane) puisque bon nombre de plats principaux ont été remplacés par des œufs ou du poisson, accroissant le nombre d’animaux tués [3] comparé à un repas avec viande rouge.
Le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin a profité de l’occasion pour défendre les bouchers et agriculteurs français, qualifiant cette mesure d’ « insulte inacceptable » à leur égard. Faut-il rappeler que les œufs, les laitages, les légumes et céréales sont aussi issus de l’agriculture ? Un repas sans pain aurait-il été une insulte faite aux boulangers ou sont-ils moins susceptibles ?
« Les protéines se trouvent dans tous les aliments exceptés l’huile et le sucre »
Si les bouchers sont fâchés de la décision de la mairie de Lyon, les nutritionnistes devraient l’être tout autant de l’ignorance du ministre de l’Agriculture vis-à-vis de leurs travaux. Celui-ci a prétendu sur Twitter que les enfants avaient besoin de viande pour bien grandir, craignant qu’on leur propose quatre ou cinq repas sans viande sur les 14 déjeuners et dîners de la semaine. Que celui-ci se rassure, la viande ne contient aucun nutriment essentiel qui ne se retrouve pas dans le poisson ou les œufs. Les protéines, argument nutritionnel des lobbys de la viande depuis des décennies, se trouvent dans tous les aliments exceptés l’huile et le sucre ! Une enquête de Greenpeace signalait par ailleurs en 2017 que les enfants consommaient à la cantine entre deux et six fois trop de protéines par rapport aux recommandations de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (ANSES).
Alors que la carence en protéines est rarissime chez les jeunes, 98 % des petits Français sont carencés en fibres d’après l’organisme officiel Santé publique France. Depuis des années, le Haut Conseil de la santé publique et l’Anses demandent à l’ensemble des Français de consommer plus de légumineuses, de fruits et de légumes. De plus, n’est-il pas dogmatique d’affirmer que la viande serait nécessaire, alors que depuis des décennies toutes les études de cohorte pointent une aussi bonne, sinon meilleure, santé globale des végétariens après avoir neutralisé les facteurs tels que l’activité physique ou le poids ? (...)
« Ce sont précisément les familles les plus pauvres qui consomment le plus de viande »
Le discours de plusieurs hauts responsables du gouvernement, selon lequel ce menu causerait du tort aux classes populaires, témoigne d’une méconnaissance profonde de la situation, puisque ce sont précisément les familles les plus pauvres qui consomment le plus de viande [6].
Face à l’hypocrisie de ne trouver problématique une mesure que lorsqu’elle est prise par leurs adversaires politiques, les pourfendeurs intérimaires du menu sans viande se sont réfugiés dans la dénonciation d’une intention idéologique de la part des écologistes. Cela signifie-t-il pour eux que la défense de la biodiversité et du climat, fortement impactés par l’élevage, relève de l’idéologie [7] ? Plutôt que de diffuser les messages éculés des lobbys de la viande dont il défend les intérêts, le gouvernement devrait se réjouir que de plus en plus de jeunes végétalisent leur alimentation [8]. Car il s’agit de loin du geste réduisant le plus l’impact carbone individuel
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– Les repas sans viande à la cantine ne défavorisent pas les plus précaires
En juillet 2017, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses, placée sous la tutelle... du ministère de l’Agriculture, notamment) publiait l’INCA 3, sa troisième étude individuelle nationale des consommations alimentaires, disponible gratuitement sur internet puisque le lien ci-dessus vous y conduit. Il s’agit d’une enquête nationale menée en 2014-2015 sur plus de 5.800 personnes (dont 2.698 enfants de 0 à 17 ans) et portant sur 13.600 journées de consommation.
D’après celle-ci, lorsque le niveau d’étude des parents est élevé, les enfants de 0 à 11 ans consomment davantage de légumes, fruits et un peu plus de poisson. Lorsqu’il est moins élevé, les enfants consomment plus de charcuterie et un peu plus de viande (hors volaille). Concernant la viande, la tendance est identique chez les ados de 11-17 ans. Ces pratiques alimentaires sont corrélées de la même manière chez les adultes.
Par ailleurs, les enfants et ados consomment deux fois plus de poisson (trois fois plus pour les enfants) et de viande la semaine que le week-end, plus de charcuterie et presque deux fois plus de volaille. Leurs consommations alimentaires « hors domicile » (à la cantine, dans la rue, chez des amis, au restaurant) concernent notamment les volailles, poissons, fruits et légumes. D’après l’INCA 3, un peu plus de 60% des enfants déjeunent au moins trois fois par semaine à la cantine, contre environ 20% qui n’y vont jamais. Là aussi, le diplôme a une incidence sur sa fréquentation, puisque 32% des enfants dont les parents ont un niveau d’étude primaire ou collège n’y déjeunent pas, contre 19% pour un niveau d’étude lycée, 14% pour un niveau d’étude bac +1/3 et 12% pour un bac+4 et au-delà.
En se basant sur tous ces chiffres et sans vouloir tirer de conclusion hâtive, contrairement à LREM criant à l’idéologie gaucho-végano-bobo, on peut imaginer que si les enfants issus de ménages moins favorisés vont moins à la cantine, mais mangent plus de viande et de charcuterie, c’est en partie parce qu’ils en consomment déjà à la maison, non ?
Un enfant n’a pas besoin de viande pour grandir (...)