
A la fin de l’été, le gouvernement a annoncé une réduction des contrats subventionnés, applicable dès le second semestre 2017. Les effets de cette décision se font déjà sentir sur les radios associatives, dont beaucoup basent leur fonctionnement sur ces emplois.
« Une ineptie », « sidérant », « inquiétant »… De Radio Nord Bretagne dans le pays de Morlaix à Radio Grenouille la Marseillaise, en passant par les stations indépendantes parisiennes, la réduction des contrats aidés n’était pas attendue, et fait l’effet d’une douche froide. Prise cette été, la décision du gouvernement touche de plein fouet le secteur associatif culturel – dont font partie ces radios, nées pour la plupart dans les années 1980.
Des jeunes, des seniors et des ruraux
A elles seules, elles emploient 1 100 personnes en emplois aidés, ce qui représente un quart des salariés du secteur, selon le Syndicat national des radios libres (SNRL). Payés en général pour une vingtaine d’heures officielles de travail par semaine, leur salaire est cofinancé par l’association et l’Etat. Ces employés peuvent être des jeunes à la recherche d’une première expérience, mais aussi des seniors qui peinent à retrouver un emploi après un licenciement. « Ces personnes sont qualifiées, ont parfois un parcours de cadre derrière elles », souligne Emmanuel Boutterin, président du SNRL. Souvent implantées dans des zones rurales, les radios associatives sont une opportunité pour se remettre au travail ou engranger une nouvelle expérience, dans des régions peu dynamiques sur le plan de l’emploi. Selon le SNRL, 60 % des contrats aidés du secteur deviennent des CDI.
Un chiffre qui tranche avec les arguments de la ministre du Travail Muriel Pénicaud, qui jugeait devant l’Assemblée nationale en août dernier les emplois aidés « peu efficaces dans la lutte contre le chômage ». Nicolas Wöhrel, coordinateur de Radio Larzac, s’agace devant les discours gouvernementaux : « Les contrats aidés n’ont pas vocation première à créer de l’emploi. Ils servent à lancer la construction d’un parcours professionnel, à redonner un cadre social à des gens qui n’en ont plus forcément à cause du chômage ».
Christophe, 45 ans, animateur à Radio Nord Bretagne, est un exemple de cette reconstruction socio-professionnelle. (...)
ces postes cofinancés sont progressivement devenus indispensables au fonctionnement des petites stations indépendantes. « Chaque année, les subventions du Fonds de soutien à l’expression radiophonique baissent de 5 à 10 %. On n’a plus les moyens de financer seuls 100 % des salaires », déplore Pierre Barron, président de Fréquence Paris Plurielle, qui emploie cinq salariés, tous sous contrats aidés.
Cette radio parisienne, qui produit quatre-vingt-treize émissions par semaine et fête actuellement ses vingt-cinq ans, était déjà au bord de la cessation de paiement avant d’apprendre la suspension de ses emplois aidés. « Pour la première fois de notre histoire, la question d’une fermeture à court terme se pose » (...)
Pour d’autres stations, la situation est moins dramatique, mais la perte de salariés, le plus souvent animateurs ou chroniqueurs, annonce une diminution de la programmation. A Marseille, Radio Grenouille, déjà en sous-effectif, a dû renoncer à un nouveau journaliste qu’elle devait embaucher en contrat aidé. Alors qu’il y était éligible, Pôle emploi a suspendu la signature de la convention dès le début de l’été.
« Les radios libres ont toujours su se débrouiller pour survivre, hasarde Emmanuel Boutterin, le président du SNRL. Dans les Antilles, elles ont survécu aux derniers ouragans. Elles surmonteront les catastrophes politiques comme les catastrophes naturelles. » Mais pour résister aux tempêtes, il faut souvent réduire la voilure… A Radio Nord Bretagne, on imagine déjà un jingle pour expliquer aux auditeurs la fin potentielle d’émissions.