
La France, autrefois « fille aînée de l’Eglise », connaît depuis plusieurs décennies une sécularisation forte. La religion y est non seulement une affaire de plus en plus privée, qui ne structure pas la société, mais elle connaît en plus une désaffection grandissante. Dans son enquête sur les immigrés et leurs descendants publiée jeudi 30 mars, l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) montre pourtant qu’une catégorie de la population française échappe, du moins dans une certaine mesure, à ce constat.
Ainsi, écrit l’institut, si « 58 % des personnes sans ascendance migratoire sur deux générations se disent sans religion », seuls 19 % des immigrés arrivés après 16 ans en France et 26 % des descendants de deux parents immigrés affirment la même chose. Dans la population générale, l’Insee recense, pour les années 2019-2020, 29 % de personnes âgées de 18 à 59 ans se déclarant catholiques, 10 % musulmanes, 10 % affiliées à d’autres religions et 51 % sans lien avec un culte. La religiosité est aujourd’hui plus importante parmi les populations immigrées que chez les autres.
« Quelle que soit la religion considérée, les immigrés catholiques ou encore musulmans vont avoir un rapport plus dense à leur foi », décrypte Patrick Simon, de l’Institut national d’études démographiques. Une relation qui s’explique souvent par la place occupée par la religion dans les pays d’origine des personnes concernées, où elle organise bien plus la vie sociale qu’en France.
C’est particulièrement le cas de l’islam. (...)
Un « vecteur d’identité »
Cette dichotomie entre pays d’origine où la religion est plus forte et pays d’accueil sécularisé engendre alors une relation au culte qui va au-delà de la foi, explique Patrick Simon. « Par conséquent, la religion joue un double rôle d’organisation de la vie sociale et de vecteur d’identité en France », poursuit le chercheur.
Elle est alors naturellement transmise à la génération suivante comme un élément important de la culture familiale. Un héritage plus fort chez les musulmans et les juifs que chez les catholiques (...)
Pour autant, il existe une acculturation certaine au fur et à mesure des
générations. La pratique du port du voile, par exemple, baisse : 36 % des femmes
musulmanes immigrées disent l’arborer, contre 17 % des descendantes de
deuxième génération. Il en va de même de l’intensité de la pratique et des prières.
Autre élément intéressant, dans les couples mixtes dans lesquels l’un des
membres se dit affilié à une religion quand l’autre n’en a pas, la pratique du culte
est moins souvent transmise aux générations suivantes. « La dynamique de
sécularisation, précise Patrick Simon, est portée par le fait qu’il y a beaucoup
moins de transmission dans les couples mixtes. » Un fait logique dans un contexte
où une personne dont la foi joue un rôle majeur dans la vie aura tendance à
vouloir en épouser une autre qui partage ses convictions, avant ensuite de les
passer à ses enfants.