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La spirale infernale de la dette de l’Unédic et l’austérité menacent le droit aux indemnités chômage
Article mis en ligne le 11 juillet 2015
dernière modification le 9 juillet 2015

La dette de l’assurance-chômage s’accumule, amplifiée par la crise, et dépasse les 21 milliards d’euros. Les cinq millions de sans emplois en seraient-ils les principaux responsables, comme le laisse croire la multiplication des contrôles et des contraintes contre ceux qui bénéficient du droit – constitutionnel – à une indemnité chômage ? Nous nous sommes plongés dans la dette de l’Unédic pour savoir d’où elle venait et comment elle augmentait.

Et pourquoi aucune solution pérenne n’est mise en place pour la résorber tout en respectant les droits sociaux. Un mini audit de la dette de l’Unédic en quelque sorte, pour comprendre comment le Medef est en train de mettre en péril l’avenir de l’assurance-chômage.

Les chômeurs coûtent cher, trop cher. Voilà l’idée savamment distillée ces dernières années. Ainsi, Pôle Emploi renforce les contrôles, que se soit pour lutter contre la fraude ou s’assurer que les demandeurs d’emploi cherchent un nouveau travail avec assiduité (lire ici). Mais pourquoi une telle surveillance ? Pourquoi la question des obligations des chômeurs est-elle devenue si aiguë ? À cause de la dette, qui partage la racine étymologique du verbe « devoir ». La dette du système d’assurance-chômage, gérée par l’association privée Unedic, et qui atteint des sommets. Et pèse sur les épaules des chômeurs.

Pourtant, même si l’augmentation du nombre de demandeurs d’emploi complique l’équation (2,9 millions de chômeurs ont été indemnisés en mars), ils sont loin d’en être responsables. (...)

les comptes de l’Unédic sont d’abord restés excédentaires ou à l’équilibre. Mieux : pendant vingt ans, de 1958 à 1979, les chômeurs sont de plus en plus protégés : l’indemnisation et la couverture – le pourcentage de chômeurs et chômeuses indemnisés – s’accroissent. Le financement de l’indemnisation est abondé par une contribution mutualiste sur le travail, versée d’une part, par les employeurs, et d’autre part, par les employés. Les fameuses cotisations sociales.
Comment résorber une dette de 21,3 milliards ?

La situation a bien changé. La dette de l’Unédic atteint 21,3 milliards en 2014. Les effets de la crise sont pointés du doigt : davantage de chômeurs à indemniser et une réduction du nombre d’actifs qui entraîne une baisse des recettes. L’inverse est également vrai. C’est ce que les experts appellent un fonctionnement « contra-cyclique » : le coût actuel de la crise sera en théorie compensé par les recettes de demain. « Le choix a été fait par les partenaires sociaux d’inscrire l’assurance-chômage dans une logique de moyen terme, explique Vincent Destival, directeur général de l’Unédic. Leur objectif n’est pas d’équilibrer les comptes chaque année, mais de le faire à travers un cycle économique complet. »

Devons-nous alors tranquillement attendre l’embellie ? (...)

la situation financière s’est souvent rétablie grâce à un renversement favorable de conjoncture. Le régime a ainsi été excédentaire entre 1996 et 2001. Mais depuis 2002, malgré une parenthèse en 2007 et 2008, l’Unédic est restée dans le rouge (voir le graphique ci-dessous). Et cela fait une décennie que la France n’a pas atteint les 2,5% de croissance (...)

Les créanciers de l’Unédic sont des banques, des fonds de pension, des banques centrales d’autres continents… Mais impossible d’en savoir plus. Non seulement l’Unédic garde confidentielle la liste de ses investisseurs, mais ceux-ci ont en outre la possibilité de revendre les titres de la dette sur le marché secondaire par le biais d’une chambre de compensation, Euroclear. Le tout dans la plus complète opacité. Mais ce n’est pas parce que les investisseurs sont invisibles que leur présence n’est pas palpable : à la table des négociations, les partenaires sociaux doivent faire preuve d’une « bonne gestion » afin de garder leur confiance ainsi que celle des agences de notations. Et donc, pour les rassurer, tout mettre en œuvre pour réduire les déficits… Car l’inquiétude des « investisseurs » a la fâcheuse tendance à augmenter leur perception du risque et, par conséquent, à augmenter les taux d’intérêt.

Ce risque reste en réalité mineur, car l’État garantit les titres de la dette de l’Unédic. De plus, le droit fondamental à l’assurance-chômage fait, qu’en cas de désaccord des partenaires sociaux, l’État prendra le relais sur la prise de décisions. Un cas de figure extrême qui rassure les créanciers prêts à accorder des taux très bas à l’Unédic, relativement proches de ceux accordés à l’État. Mais cette implication n’est pas neutre, et confère à l’État un moyen de pression permanent sur l’Unédic.

Le gouvernement subit lui aussi la pression de Bruxelles et ses injonctions à la rigueur. Si l’Unédic est bien une association privée indépendante, sa dette est considérée comme souveraine aux yeux de la zone euro. Elle est par conséquent comptabilisée dans l’endettement de la France. Cette notion comptable a un impact réel sur nos allocations (...)

Ce « pacte de responsabilité » vient donc étrangler la seule possibilité réelle d’équilibrage des comptes de l’Unédic : l’augmentation des contributions compensant les allocations. Tandis que cette variable est verrouillée, la dette permet alors de faire pression… sur les droits des chômeurs. « Nous avons des discussions schizophréniques, raconte Denis Gravouil, secrétaire général de la CGT – Spectacle et assesseur au bureau de l’Unédic. Lors de réunions sur le financement de la dette, le Medef insiste sur notre solvabilité » – garantie par l’Etat, la dette ne constitue pas un problème en soi.

« Puis, quand on négocie les droits de chômeur, le Medef nous rappelle à quel point cette dette est dangereuse, ce qui est vrai au demeurant. », poursuit le syndicaliste. Alors pourquoi ce double discours ? « Même si cette dette peut sembler importante, les taux d’emprunt sont bas et l’Unédic est bien notée par les agences de notations. Elle ne se retrouvera pas en défaut de paiement. Dire que la dette est problématique, c’est construire un discours pour revenir sur les droits des chômeurs », analyse Claire Vivés, sociologue au Centre d ’études de l’emploi.
A qui profitent les contrats précaires ?

Qu’en pense le Medef ? Contactée à plusieurs reprises par mail et par téléphone, l’organisation patronale n’a « pas eu le temps de répondre » à nos questions en quinze jours. Ses communicants ont quand même réussi à dégager quelques minutes pour rédiger un communiqué de presse à l’occasion de la nouvelle hausse du chômage. Le Medef rappelle qu’il faut « créer en France un environnement favorable à la croissance » grâce au « respect de la trajectoire du Pacte de responsabilité en termes de baisse des charges et de la fiscalité ». En clair : ne touchez pas aux cotisations ! (...)

Victoire des syndicats : l’Accord national interprofessionnel de janvier 2013 permet de taxer plus lourdement les CDD pour les employeurs – à raison de 7% pour les CDD de moins de un mois et de 5,5% pour ceux inférieur à trois mois. Mais victoire symbolique : la surtaxe reste faible et souffre de nombreuses restrictions sur les secteurs touchés. D’autant qu’elle a été « compensée » par l’allégement des cotisations patronales pour l’embauche de moins de 26 ans. Et par le fait de faciliter les licenciements (...)

Les chômeurs n’ont pas voix au chapitre

Montrés du doigt malgré tout, les demandeurs d’emploi ne disposent que de peu de moyen de défense. A l’Unédic, les rapports de force entre les partenaires sociaux définissent à quelle sauce seront mangés les chômeurs… sans que ces derniers ne puissent s’exprimer. A l’exception notable de la CGT qui possède une représentation des demandeurs d’emploi, ces derniers – 5 millions de personnes tout de même ! – ne sont pas représentés au bureau de l’Unédic. Les nombreuses associations qui tentent de fédérer chômeurs et précaires y revendiquent une représentativité (...)

Aujourd’hui, les organisations syndicales sont considérées comme les seules représentantes des salariés, en emploi ou non. Sollicitées sur leur positionnement vis-à-vis du fonctionnement financier de l’Unédic, certaines d’entre elles n’ont pas souhaité répondre à nos questions : les organisations patronales, la CGC, la CFDT qui occupe pourtant la présidence de l’institution, ont botté en touche. Souhaitent-elles montrer une certaine unité, tandis que s’agite le spectre de la fin de la gestion des partenaires sociaux au profit de l’État, en cas de désaccord sur la prochaine convention d’assurance-chômage ? Jusqu’à aujourd’hui, un consensus s’est obtenu aux prix de certaines concessions, notamment en repoussant le problème et en s’endettant. Maintenant que cette marge de manœuvre est réduite à peau de chagrin, nous ne pouvons que nous demander si les prochaines négociations, début 2016, ne verront pas le rapport de force se cristalliser… aux dépens des chômeurs, actuels et futurs. (...)