
Elle a tout juste 30 ans et n’a pas quitté depuis trois ans sa ville suppliciée d’Alep dont elle raconte les blessures au jour le jour. La journaliste syrienne Zaina Erhaim est couronnée par le prestigieux prix Peter Mackler qui récompense le courage et l’éthique journalistique.
(...) Cette jeune femme conjugue une passion pour l’information et pour son pays en guerre depuis plus de quatre ans. A rebours de nombre de ses collègues, elle n’a pas pu quitter son pays et a décidé de rester envers et contre tout - les bombes, les menaces, les maladies, la censure - entre les murs d’Alep, capitale économique de la Syrie, au Nord Ouest de cet immense Etat du Moyen Orient, "un épitomé de la guerre" ainsi que la désigne très justement Anthony Samrani, éditorialiste à L’Orient le jour : "Plus qu’aucune autre ville du pays, Alep est un microcosme de la guerre en Syrie. La cité est séparée en deux par une ligne de démarcation d’une vingtaine de kilomètres. La partie ouest, où vivent plus de 2 millions de personnes, est sous le contrôle du régime. La partie est, elle, est sous la domination de différents groupes rebelles. Les Kurdes tiennent leur position au nord de la ville tandis que l’État islamique (EI) est retranché dans les campagnes de l’Est."
Le jeudi 20 août, deux jours avant l’annonce du prix, Zaina Erhaim lançait un appel vibrant sur son compte twitter : "Chers journalistes du monde entier, svp svp, ne venez pas en Syrie. Malheureusement vous serez kidnappés par toutes sortes de criminels, et nous ne pourrons rien faire pour vous aider…" (...)
Un morceau d’humanité
Sur son blog, principalement en arabe, la journaliste raconte la guerre au quotidien, comme dans ces "Scènes féminines de la guerre de Syrie" en plusieurs actes : "Prolifération, Patriarchie, Les femmes-objets des ONG, Les héroïnes du Show, Nuisibles, La mort au masculin". (...)
Transmettre
Dans Alep qu’elle refuse donc de quitter, elle ne raconte pas seulement un quotidien de guerre et de morts. Malgré sa très jeune expérience, elle passe une grande partie de son temps à former d’autres syriens, dont un grand nombre de femmes, aux métiers du journalisme, aussi bien télévision que presse écrite, contribuant à l’émergence de nouveaux journaux et magazines en Syrie. Plusieurs de ses étudiant-es ont ainsi vu leurs productions publiées dans de grands médias internationaux. Elle est aussi devenue la coordinatrice de l’Institut d’informations sur la paix et la guerre (IWPR, organisation enregistrée au Royaume Uni, regroupant experts et journalistes spécialisés) en Syrie. Zaina Erhaim travaillait à Londres, à la BBC jusqu’en 2012, avant de retourner en Syrie. (...)