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IRIN - nouvelles et analyses humanitaires
La vie en marge du combat libyen contre l’État islamique
Article mis en ligne le 13 août 2016

Le soleil se couche au son de lointaines explosions. Sur le côté de la route, trois enfants vendent du pain maison aux soldats libyens circulant en voiture entre les lignes de front. Nous sommes en périphérie de Syrte, où la bataille contre le prétendu État islamique (EI) se poursuit et où des milliers de civils ont urgemment besoin d’être assistés.

(...) Pour les dizaines de milliers de civils ayant fui Syrte, trouver refuge ailleurs en Libye s’est révélé très compliqué. Des centaines de familles sont restées en bordure de la ville, aussi bien durant l’année qu’a duré la domination de l’EI que durant ces trois derniers mois de combats.

Ceux qui ont choisi de rester sont généralement trop pauvres pour se permettre de payer un loyer ailleurs, ou il s’agit de fermiers refusant d’abandonner leur bétail - leur unique source de revenus.

Les maisons sont surpeuplées. Beaucoup accueillent désormais d’autres familles ayant fui les combats acharnés secouant continuellement le centre-ville de Syrte, où l’EI conserve le contrôle sur un territoire d’environ 28 kilomètres carrés.

La situation médicale est devenue particulièrement désespérée. (...)

Amjid s’inquiète du fait que des enfants atteints de maladies guérissables en temps normal soient aujourd’hui vulnérables, et que des patients souffrant de maladies chroniques de type diabète et hypertension artérielle soient aujourd’hui très mal en point.

Ali conjure n’importe lequel des trois gouvernements de réinstaurer une quelconque forme de soins de santé dans les zones libérées de l’EI.

« Nous sommes capables de nous débrouiller avec presque rien parce que nous y sommes habitués », a-t-il dit à IRIN, mais « nous ne pouvons pas nous en sortir sans médecins ni médicaments, nous avons besoin d’aide de toute urgence. »
Absence d’aide

Les pénuries alimentaires chroniques exacerbent l’urgence médicale. Syrte ne reçoit plus de livraisons de nourriture ou de médicaments depuis de nombreux mois suite aux enlèvements répétés de chauffeurs de camion perpétrés par l’EI, d’après la presse locale.

Dans les quartiers libérés depuis peu, derrière les devantures éventrées des magasins, les rayonnages sont vides. La marchandise a été vendue ou pillée depuis bien longtemps. (...)

« Sous Daech, nous n’avions rien - pas de médicaments, pas d’argent, pas de banques, pas d’écoles, pas de soins de santé... et en plus des longues coupures d’électricité quotidiennes, nous n’avions de l’eau que trois ou quatre jours par mois », a dit Karim, 42 ans, en employant le terme d’usage en arabe pour désigner l’EI.

L’approvisionnement en eau a repris en banlieue il y a un mois, et deux semaines plus tard c’était au tour de l’électricité d’être rétablie après trois mois de coupure. L’approvisionnement du centre-ville reste toutefois suspendu, dans une tentative de maintenir la pression sur l’EI.

« La vie revient doucement à la normale. Ce n’est pas comme avant, mais la situation s’améliore de jour en jour », a expliqué Mohammed avec optimisme, tandis que l’impact d’un énième obus résonnait aux alentours. « Nous remercions Dieu d’avoir survécu jusqu’à présent. » (...)

Les frappes aériennes américaines ont redynamisé les forces libyennes, dont la progression en centre-ville de Syrte stagne depuis un mois.

Mais si l’éviction de l’EI semble aujourd’hui possible, les habitants sont conscients qu’il leur faudra bien plus de temps pour se relever de cette épreuve.

« Nous avons tellement souffert sous Daech. Ils tuaient des gens tous les vendredis sur la place centrale et suspendaient leurs cadavres au milieu d’un rond-point », a raconté Mohammed. « Nous ne savons même pas combien ils en ont tué, parce qu’à la fin nous éteignions la télévision et la radio pour éviter que nos enfants soient exposés à ces atrocités. »

Malgré tous ses efforts, il admet que ses cinq enfants sont traumatisés.

« Ils sont si effrayés qu’ils me demandent sans arrêt : “papa, où est Daech ? Est-ce qu’ils vont revenir ?” », a-t-il dit. « Je leur dis que Daech sera bientôt anéanti. » J’espère et je crois que c’est vrai.