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Greek Crisis
La vie sans rien
Article mis en ligne le 11 novembre 2015

Athènes respire son histoire comme elle respire aussi, ses effondrements ordinaires. Après un mois passé en mer Égée le contraste athénien est encore plus saisissant. Brisures de vies et aliénation généralisée, comme on disait parfois jadis. Place de la Constitution, l’événement... mercatique du moment (de l’Union des Assureurs) sera bientôt remplacé par les rassemblements prévus pour le 12 novembre, journée annoncée de grève générale en Grèce.

Pour un quotidien du jour comme de chaque jour, la ‘Une’ en dit bien long en seulement quatre mots : “La vie sans rien”. C’est presque de la statistique : “Pour 350.000 familles, plus personne ne travaille, le salaire moyen en Grèce s’élève à 815 euros et 500.000 personnes travaillent à mi-temps pour 346 euros par mois” (quotidien “Dimokratía” du 10 novembre).

Dans un autre reportage publié récemment, d’abord par le quotidien “Ta Néa” (9 novembre) avant d’être reproduit par l’ensemble de la presse grecque, on y apprend que “plus de 7 millions d’habitants de la Grèce (10.815.197 habitants au total en 2013) ne travaillent pas. Le danger de la paupérisation généralisée est évident. La Grèce devient ainsi un pays de retraités, de chômeurs et de citoyens économiquement inactifs, aux conséquences manifestes sur l’économie et sur le système de la Sécurité Sociale. Un pays comme la Grèce, pour une population active de 4,74 millions de personnes, mais aux 3,5 millions de personnes occupant un emploi, 1,24 millions sont au chômage et 2,65 millions de personnes perçoivent une retraite, eh bien, ce pays ne peut plus s’attendre à retrouver le moindre remède devant les grands déséquilibres que connait son système de sécurité sociale, et encore moins, de pouvoir rétablir son économie.”

“Alors, à travers une telle perspective, le risque est grand, qu’une grande partie de sa population s’installe durablement dans la paupérisation, et de ce fait en même temps, l’ensemble de ses assises technologiques, tout comme celles de la production restante en Grèce, subiront alors un effondrement sans précédent, comme l’explique le professeur émérite à l’Université Pántion, Sávvas Robolis. (...) Au même moment, un million d’employés du secteur privé, ne perçoivent plus de salaire (retards accumulés sur plusieurs mois), tandis que sept nouveaux postes crées sur dix, relèvent du travail temporaire, dit aussi flexible”, presse grecque du 9 novembre. J’y ajouterais, que plus d’un demi-million de Grecs ont quitté le pays pour travailler ailleurs, tout comme plusieurs centaines de milliers d’immigrés, installés en Grèce depuis plus de dix ans, essentiellement Albanais et Bulgares.

Aux rues marchandes, très inégalement fréquentées par les temps qui courent, les graffitis et autres autocollants rappellent sans cesse la lutte des travailleurs restants, contre la généralisation forcée du travail dominical, une mesure qui figure en bonne place, dans la liste des prérequis du mémorandum III, (des... institutions, de Tsipras et de SYRIZA II). C’est alors ainsi que le message (tout comme le titre) du bon vieux film de Melína Merkoúri, “Jamais le Dimanche”, film grec réalisé par Jules Dassin et sorti en 1960, ont été remémorés, mais dans les circonstances fort actuelles. Un autre message... parallèle, signé par le Collectif des employés du commerce est pour autant bien explicite.

“Lorsqu’ils licencient un des nôtres, ils nous retrouverons en face d’eaux, tous unis. Aucun collègue ne restera seul face aux dérives du patronat. Nos résistances sur les lieux de travail deviennent alors collectives”.

Il n’en demeure pas moins qu’au-delà des collectifs, les autres syndicalistes... estampillés, de ce moment et d’ailleurs du moment d’après, sont fort anxieux dans toute leur quête... d’abris politiques en ces années fort laborieuses des Mémoranda. C’est alors ainsi que finalement dans de nombreux cas, des syndicalistes SYRIZA comme ceux, proches de l’Unité populaire seront présents sur certaines listes communes en vue des scrutins (syndicaux) prochains. (...)

Contrairement à ce que le regretté Cornelius Castoriadis aspirait, la collectivité humaine n’est plus la seule entité politique ou plus exactement, la collectivité humaine n’est plus, tout simplement. (...)

La “crise” a tué le travail, c’est-à-dire ses droits déjà et aussitôt les travailleurs, mais non pas... le lifestyle. Signe des temps, les medias et surtout la télévision, ont à leur manière volontairement renforcé tous ces traits du lifestyle, lorsqu’ils ont évoqué l’événement de la course dite du “Marathon authentique”, elle a eu lieu le 8 novembre entre Marathon et le centre d’Athènes.

Lifestyle toujours, à Athènes comme à Thessalonique, il y a eu foule devant une enseigne proposant la vente exceptionnelle d’un nombre limité de vêtements fabriqués par une marque connue. Le contraste athénien est encore plus saisissant entre ce spectacle et celui de la mendiante... enveloppée d’une couverture de l’Armée grecque. Brisures de vies certainement.

Brisures cependant et autant... de la part des syndicats. La journée dite d’action générale du 12 novembre organisée par les syndicats dispersés du pays disparu, n’est qu’une opération d’opérette sans réel impact, hormis la sincérité de ceux qui manifesteront. (...)

le gouvernement Tsipras introduit et tente à faire appliquer les mesures du mémorandum III, plus antidémocratiques, plus anticonstitutionnelles et plus antisociales que jamais. Mais pour ne pas perdre le Nord, certaines voix s’accrochent enfin aux seules véritables nouvelles : “Nous avons perdu la bataille des salaires, celle du contrôle national sur les banques, de la protection de la résidence principale face aux saisies, des privatisations... mais du moins nous en sommes bien tristes et nous pleurons”, écrivent non sans sarcasme les rédacteurs de la revue politique “Unfollow”.

Nouvelles et faits authentiques, difficilement noyés par le flot des leurres, des diversions comme enfin de l’insignifiant. (...)

Brisures de vies comme de destins. Dans l’immeuble athénien composé de tant d’appartements inoccupés, tous les foyers connaissent désormais le chômage, ou sinon, le travail à doses homéopathiques, à l’exception d’un médecin retraité et (ancien ?) rentier.

Lorsque le représentant de la société chargée de la gérance de l’immeuble s’y est rendu cette semaine pour encaisser directement le montant correspondant aux charges, il n’a plus rien... récolté. Sa venue a déclenché comme désormais fréquemment, disputes et cris à tous les étages de l’ex-classe moyenne grecque. (...)

Place de la Constitution on entend aussi parfois ces Athéniens crier au téléphone... leurs altercations répétées au sujet de nombreuses dettes et de tant de versements asséchés.

Place de la Constitution toujours, on attendra enfin ces autres cris humains lors des rassemblements prévus pour le 12 novembre, journée annoncée de grève... plutôt assez générale en Grèce.

Les ferries resteront à quai et les lointaines Cyclades, se contempleront alors dans leur splendide isolement, visiblement loin des effondrements ordinaires de l’autre pays. (...)