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Mediapart
Le Conseil d’Etat suspend le recours à la visioconférence pour les procès d’assises
Article mis en ligne le 28 novembre 2020
dernière modification le 27 novembre 2020

Le Conseil d’Etat a suspendu vendredi la possibilité de recourir sans l’accord des accusés à la visioconférence lors de l’ultime partie des procès criminels, instituée par une ordonnance controversée du gouvernement qui voulait que la justice « tourne » malgré l’épidémie de Covid-19.

La plus haute juridiction administrative estime que les dispositions prévues par cette ordonnance du 18 novembre « portent une atteinte grave et manifestement illégale aux droits de la défense et au droit à un procès équitable », dans un communiqué publié pour expliquer sa décision.

Plusieurs représentants d’avocats et du Syndicat de la magistrature (SM, classé à gauche) étaient vent debout contre ce texte du garde des Sceaux et ancien avocat pénaliste Eric Dupond-Moretti autorisant exceptionnellement que l’ultime partie d’un procès criminel - plaidoiries, réquisitoires et derniers mots des accusés - se déroule en l’absence physique des accusés, et ce sans leur accord.

Le Conseil d’Etat leur a donné raison. Lors des procès criminels, tenus devant les cours d’assises ou les cours criminelles, « la gravité des peines encourues et le rôle dévolu à l’intime conviction des magistrats et des jurés confèrent une place spécifique à l’oralité des débats », souligne le communiqué.

De ce fait, la présence physique des parties civiles et de l’accusé pendant le réquisitoire et les plaidoiries, ainsi que la prise de parole de l’accusé à la toute fin des débats, revêt un « caractère essentiel », selon le Conseil d’Etat.

Pour la juridiction, « les contraintes liées à l’épidémie, les avantages de la visioconférence et les garanties dont elle est entourée ne suffisent pas à justifier l’atteinte ainsi portée aux principes fondateurs du procès criminel et aux droits des personnes physiques parties au procès ».

« C’est une grande victoire et un immense soulagement » a réagi l’avocat Patrice Spinosi, qui a défendu le recours pour l’Association des avocats pénalistes. « Les juges imposent une limite à l’action du gouvernement. La menace du Covid ne vaut pas un blanc-seing pour tous les aménagements procéduraux. »

Après cette suspension en urgence par le Conseil d’Etat, Me Spinosi espère obtenir « l’abrogation définitive » de l’ordonnance, par un recours au fond qui sera examiné ultérieurement.

En attendant, « les procès d’assises en cours, comme celui de Charlie Hebdo, vont (...) devoir se tenir en présence des accusés », s’est-il félicité. (...)

Dimanche, Eric Dupond-Moretti avait défendu son texte en estimant qu’il n’y avait pas d’autre « solution » pour que la justice « tourne » malgré l’épidémie. Lors du premier confinement, 167 sessions d’assises avaient été reportées, selon la Chancellerie.