
L’Europe aiguise ses armes pour encadrer strictement les usages autour de l’intelligence artificielle. La très importante loi sur l’intelligence artificielle vient d’être votée par le Parlement européen, par 493 voix (22 contre, 96 abstentions). Des discussions vont maintenant commencer avec le Conseil et les pays membres sur la forme finale de la loi.
On sait que l’Europe travaille depuis un moment sur une législation forte pour fournir un premier cadre clair aux usages de l’intelligence artificielle. Nous nous étions déjà penchés sur la question, mais la proposition a évolué pendant l’année écoulée, notamment pour prendre en compte le développement rapide des IA génératives.
L’objectif principal de la proposition, telle qu’adoptée par le Parlement européen, est d’établir un classement des intelligences artificielles et d’affecter des exigences et limites à chaque palier. Données sélectionnées, transparence, responsabilité ou encore supervision humaine sont autant de critères. Il s’agit du tout premier cadre réglementaire sur l’intelligence artificielle dans le monde.
L’Europe estime qu’une législation claire et uniforme concourra à la promotion de l’IA, pour laquelle la confiance est un facteur décisif. Elle souhaite ainsi « que les systèmes d’IA utilisés dans l’Union européenne soient sûrs, transparents, traçables, non discriminatoires et respectueux de l’environnement. Les systèmes d’IA devraient être supervisés par des personnes plutôt que par l’automatisation, afin d’éviter des résultats néfastes ».
Risque inacceptable : les usages strictement interdits (...)
score social (classement des personnes en fonction d’un comportement, d’un statut socio-économique ou de caractéristiques personnelles), manipulation cognitivo-comportementale (exemple donné, un jouet piloté par la voix qui encouragerait un comportement dangereux pour l’enfant), ou encore – et le point est crucial, surtout en France – tout système d’identification biométrique en temps réel comme la reconnaissance faciale.
Plus spécifiquement, toute identification biométrique ciblant des caractéristiques sensibles (genre, origine ethnique, statut de citoyen, religion, orientation politique...) sera interdite, de même que les systèmes de police prédictive ou encore la récupération « d’images faciales provenant d’internet ou de séquences de vidéosurveillance en vue de créer des bases de données de reconnaissance faciale ».
Quelques exceptions seront autorisées, par exemple l’identification biométrique a posteriori pour des crimes graves et après autorisation du tribunal.
Risque élevé : il y aura foule (...)
Le garde-fou existe pour que chaque mise à jour majeure d’un SIA ait le même niveau de contrôle que la version d’origine, afin d’en valider le fonctionnement avant arrivée sur le marché.
Risque limité : des règles pour les IA génératives (...)
toute personne faisant face à un contenu généré par un SIA doit en être avertie.
Risque faible ou minimal : pas d’obligations (...)
Le Parlement européen ajoute cependant qu’il envisage la création de plusieurs codes de conduite pour encourager les fournisseurs de SIA concernés à appliquer quand même les obligations réservées aux IA à haut risque. (...)
Un conseil européen de l’intelligence artificielle (...)
sera composé des représentants de tous les États membres et de la Commission européenne. Elle aura à charge d’harmoniser l’implémentation des règles et de renforcer la coopération entre les pays.
Ces derniers devront désigner une ou plusieurs autorités chargées de vérifier la bonne application des règles, en premier lieu le classement de tous les systèmes d’IA. En France, rien d’officiel pour l’instant, même si la CNIL est fortement pressentie pour remplir cette mission. (...)
Ces autorités devront en particulier contrôler la conformité des systèmes d’IA à haut risque. (...)
En cas de non-conformité avec la nouvelle loi, des amendes administratives pourront être prononcées, jusqu’à 30 millions d’euros ou 6 % du chiffre d’affaires mondial. Les modalités de paiement et de contrôle des corrections devront être définies par chaque État membre.
Il faudra attendre pour l’application
Si le Parlement européen vient de donner son feu vert, ce n’est que la première étape décisive du parcours législatif de cette loi sur l’intelligence artificielle. Dès aujourd’hui commence un dialogue avec le Conseil et les États membres pour définir les modalités d’application. Thierry Breton et Margrethe Vestager, les deux commissaires ayant porté le texte, ont indiqué vouloir plier cette étape en quelques mois si possible.
Cela ne signifiera cependant pas l’application du texte dans ces pays. Ce dialogue visera à définir la manière dont le texte pourra être intégré dans le cadre réglementaire de chaque pays et donc transposé en loi. Chaque État devra dès lors préparer sa propre loi, qui suivra alors le chemin législatif classique. Le processus prendra du temps, et il se pourrait que cette réglementation sur l’intelligence artificielle ne soit en définitive appliquée qu’à partir de 2026.