
En ce début d’été 2014, l’Union européenne triomphe. Après plus de dix ans d’une sourde bataille, elle a enfin vaincu la résistance des pays africains qui refusaient de conclure avec elle les traités de libre-échange prévus depuis 2000 par l’accord de Cotonou (Bénin) (1). Le 10 juillet, les chefs d’Etat de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) ont signé l’accord de partenariat économique (APE) d’Afrique de l’Ouest (2) ; le 22 juillet, l’APE d’Afrique australe était paraphé ; le 25 juillet, le Cameroun ratifiait un APE individuel.
Seule déconvenue pour l’Union : l’Afrique de l’Est n’a pas suivi. Les pays de cette sous-région dominée par l’Afrique du Sud ont refusé de se priver de précieuses recettes douanières sans réelles contreparties européennes. Les APE prévoient en effet la suppression des droits de douane sur trois quarts des exportations de l’Union, tandis que celle-ci continuera à importer d’Afrique de l’Ouest la totalité de ses produits qui sont déjà en franchise de droits.
Un marché de dupes.
Comment en est-on arrivé à un tel désastre ? (...)
En mai 2006, la délégation pour l’Union européenne de l’Assemblée nationale française adoptait à l’unanimité le rapport du député Jean-Claude Lefort, qui s’interrogeait : « Pouvons-nous vraiment prendre la responsabilité de conduire l’Afrique, qui abritera dans quelques années le plus grand nombre de personnes vivant avec moins de 1 dollar par jour, vers davantage de chaos, sous couvert de respect des règles de l’OMC (4) ? » Si le Parlement européen a produit de nombreux rapports contestant les APE, il s’est finalement aligné sur la Commission. (...)
« Les chefs d’Etat sont mal informés. On ne comprend pas ce qui les empêche de consulter les mouvements sociaux. Mais ils ne se fient qu’aux bureaucrates, s’insurgeait le 25 octobre 2013 M. Mamadou Cissokho, président honoraire du Roppa. Ce n’est pas acceptable : avant d’engager la vie de millions de personnes, il faut les consulter (6) ! »
La Commission a laissé entendre qu’elle pourrait repousser la date limite pour la ratification au 1er octobre 2016. La bataille n’est pas terminée. (...)