
aviez-vous que la ville de Paris avait institué un budget participatif dans la lignée de villes comme Porto Alegre, Belo Horizonte et de nombreuses autres villes du Brésil mais aussi, plus près de chez nous, Lisbonne, Berlin ou Rome ? Si vous n’êtes pas parisien, probablement pas. Mais plus grave, si vous êtes vous-même parisien, il est bien possible que vous ne soyez pas au courant que celui-ci existe depuis 2014 ! Il faut dire que l’enveloppe allouée – 5 % des seuls investissements – n’est pas vraiment grandiose et n’incite pas a priori à s’y intéresser. Fort heureusement, Cédric Gaydu, doctorant à l’école de droit public et de droit fiscal de l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne, a suivi en détail le processus de ce budget participatif et nous livre ses travaux dans un livre dont le titre est La démocratie participative locale, L’institution du budget participatif de la ville de Paris.
Cet ouvrage est constitué de deux parties, l’une destinée à caractériser ce budget participatif à la lumière de ce qui se pratique un peu partout dans le monde, la seconde détaille le fonctionnement même du budget participatif parisien. Même si on est un peu perdu dans les niveaux de subdivisions du texte (cinq !), ce livre a le mérite de laisser le lecteur se faire sa propre opinion, notamment en nous plongeant dans les phases critiques de ce processus et en citant régulièrement ses principaux acteurs. Un travail à mi-chemin de l’approche universitaire et du travail journalistique.
Alors que la démocratie participative brésilienne a été impulsée à l’origine par le Parti des travailleurs comme stratégie de résistance des quartiers populaires face à la crise, l’approche parisienne se rapproche beaucoup de celles des autres capitales européennes : une approche qui vise à réconcilier les habitants avec la politique sous couvert, peut-être, d’une visée électorale de la majorité municipale. Avec seulement 5 % du budget d’investissement laissés à la décision des habitants, on a les résultats qui vont avec. (...)
Côté mobilisation autour de ce budget, c’est essentiellement une population habituée à la vie associative et familière des conseils de quartiers : « Le grand oublié du budget participatif est le citoyen seul, isolé, profane, mais déterminé à formuler une ou des propositions dans le cadre du budget participatif. » L’auteur conclut en parlant d’un paradoxe du budget participatif : « La démocratie participative est censée améliorer la qualité des politiques publiques et l’efficacité de l’action publique par une réflexion profonde, une concertation de tous les instants et des interactions permanentes permettant l’émergence d’un consensus. Cette participation des citoyens vise à ralentir la prise de décision publique afin de l’enrichir de l’expérience des citoyens. Paradoxalement, le budget participatif de Paris s’impose comme un instrument d’accélération des politiques publiques au niveau micro-local, sur des projets de faible envergure, nécessitant une expertise assouplie d’où l’utilisation du concept de Fast Low Public Good » qu’il détaille sur quelques pages. (...)
On comprend à la lecture de cet ouvrage que le budget participatif de Paris ne ressemble en rien à celui de Porto Alegre, tant les tenants de celui sont différents. À Porto Alegre, celui-ci a dû se construire comme une mobilisation citoyenne contre un parlement de ville détenu par l’opposition. La mobilisation des quartiers populaires a donc été un des facteurs d’attribution de crédits pour celui-ci. De même, une véritable administration du budget participatif a été créée pour donner corps aux projets des habitants. D’une certaine façon la démocratie participative est conçue contre la démocratie représentative. À Paris, le budget participatif est conçu comme devant compléter le programme général de la Mairie, les projets allant à l’encontre de la politique de la mairie étant, par définition, éliminés. Il est plus conçu comme un outil de légitimation de la démocratie représentative que comme un outil de démocratie active. (...)