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IRIN - nouvelles et analyses humanitaires
Le casse-tête du déficit de financement du secteur humanitaire
Article mis en ligne le 20 décembre 2016
dernière modification le 15 décembre 2016

Les Nations Unies viennent d’annoncer qu’il faudrait 22,2 milliards de dollars pour répondre aux besoins des quelque 92,8 millions de personnes affectées par les conflits et les catastrophes naturelles en 2017. Il s’agit du plus important appel humanitaire jamais lancé. Or, si l’on se fie aux tendances de financement actuelles, les organisations d’aide humanitaire pourront se compter chanceuses si elles réussissent à obtenir la moitié de la somme demandée.

Alors que le déficit de financement ne cesse de se creuser, certains experts de l’aide croient qu’il est temps d’établir des priorités et de concentrer les efforts humanitaires sur les actions les plus urgentes permettant de sauver des vies en s’assurant notamment que celles-ci sont financées à 100 pour cent.

« Les appels d’aujourd’hui sont beaucoup plus ambitieux et sophistiqués. Ils ont des objectifs très divers allant de la résolution des causes profondes [des crises] au développement de la résilience », a dit Mukesh Kapila, professeur en santé publique et affaires humanitaires à l’Université de Manchester. « Ces appels sont tous hautement souhaitables, mais on peut se demander si ce sont réellement des appels ‘humanitaires’ dans le sens traditionnel du terme. »

« Je pense que le secteur humanitaire doit se concentrer de nouveau sur les interventions fondamentales visant à sauver des vies », a-t-il dit à IRIN. « Les programmes de subventions pour l’achat de nourriture et de réduction de la vulnérabilité, bien qu’extrêmement louables, exigent énormément d’efforts, alors que, par définition, l’approche humanitaire dispose de moyens très limités. »

Dans un article rédigé récemment pour IRIN, Antonio Donini, analyste auprès du Centre international Feinstein de l’Université Tufts, suggère également que la meilleure réponse à la crise du multilatéralisme – qui se manifeste notamment par l’élection de Donald Trump et l’abandon des principes humanitaires, tant en Syrie qu’au Soudan du Sud – pourrait être « une entreprise humanitaire davantage axée sur un ‘retour à l’essentiel’ ».

Pas si simple (...)

le besoin d’une aide internationale d’urgence est supérieur à la volonté des gouvernements donateurs d’augmenter leurs contributions. En 2016, par exemple, les bailleurs de fonds ont versé 11,4 milliards de dollars pour répondre aux appels coordonnés par les Nations Unies. Il s’agit d’un montant record, mais qui représente à peine la moitié des 20,1 milliards demandés. Il y a dix ans, l’appel annuel, d’un montant de 5 milliards de dollars, était presque financé à hauteur de 70 pour cent. (...)

La superstructure humanitaire qui s’est développée au cours des 25 dernières années est déjà soumise à des pressions pour se réformer, pour devenir plus comptable de ses actes et plus transparente et pour installer ses centres financiers et de pouvoir dans les pays du sud, et pas seulement dans les capitales occidentales.

Lors d’un discours prononcé la semaine dernière à Genève à l’occasion du lancement de l’appel, le chef de l’humanitaire des Nations Unies Stephen O’Brien a dit que le déficit de financement croissant n’était pas dû à la lassitude des bailleurs de fonds ou à l’échec du secteur de l’aide. « C’est la demande qui ne cesse d’augmenter, principalement à cause des conflits prolongés non résolus », a-t-il dit. (...)

Dans le secteur humanitaire, nombreux sont ceux qui croient que l’approche prônant un « retour à l’essentiel » ne tient pas compte de la réalité des crises plus complexes et interminables qui exigent des interventions plus compliquées. Ils estiment ainsi qu’il n’est pas suffisant de simplement garder les gens en vie, en particulier si l’un des objectifs est de réduire la probabilité de futures crises qui créeraient davantage de besoins. (...)

L’un des principaux résultats du premier Sommet humanitaire mondial qui a eu lieu à Istanbul plus tôt cette année est l’engagement en faveur du renforcement de la collaboration entre les acteurs de l’humanitaire et du développement. L’objectif est de diminuer les besoins à long terme, par exemple en mettant davantage l’accent sur les mesures d’atténuation et de préparation aux catastrophes ainsi que sur la construction de la paix pour éviter les conflits. (...)

Cette tendance à dépasser les paramètres traditionnels du travail humanitaire inquiète de nombreux « puristes ». Ils soutiennent que l’implication dans la construction de la paix, la stabilisation et le relèvement met en péril le respect des principes fondamentaux de neutralité, d’impartialité et d’indépendance et qu’elle pourrait donner lieu à une instrumentalisation ou à une politisation de l’aide, compromettant du même coup la confiance envers les organisations d’aide humanitaire.

Les cycles de financement de 12 mois qui sont actuellement la norme représentent une autre difficulté : les programmes à long terme doivent pouvoir compter sur un financement pluriannuel prévisible. Plusieurs pays couverts par l’appel humanitaire de 2017 – y compris le Tchad, le Cameroun et la Somalie – espèrent obtenir des fonds pour des plans de réponse humanitaire pluriannuels.

« Les fonds disponibles sont limités », a dit Annett Gunther, directrice générale adjointe pour l’assistance humanitaire au ministère allemand des Affaires étrangères. « Nous devons abandonner le financement ad hoc au profit d’un financement plus judicieux des programmes à plus long terme. » (...)

Pour remédier au déficit de financement, il faudra également chercher des fonds ailleurs qu’auprès des donateurs traditionnels en s’adressant par exemple au secteur privé, aux organisations philanthropiques et aux économies émergentes comme la Chine et les pays du Golfe. (...)