
Mamadou, Zakaria et Ilyas poursuivent l’Etat et le ministre de l’intérieur pour un contrôle d’identité en 2017, qu’ils estiment basé sur des critères discriminatoires.
Ils avaient promis de mener le combat sur le terrain médiatique et juridique. A voir tous les micros tendus, à la sortie de l’audience qui les a opposés à l’Etat, lundi 22 octobre, pour une affaire de contrôle au faciès, Mamadou, Zakaria et Ilyas ont au moins remporté la première manche. Les trois jeunes hommes avaient assigné l’Etat et le ministre de l’intérieur après avoir été interpellés en mars 2017 par des policiers sur un quai de la gare du Nord, à Paris, sur des critères qu’ils estiment discriminatoires. Ils revenaient d’un voyage scolaire à Bruxelles (Belgique) avec leur classe de Seine-Saint-Denis, accompagnés par leur professeure.
Signe d’un procès pas comme les autres, on pouvait apercevoir sur les bancs du tribunal de grande instance de Paris, entre les visages encore poupins de nombreux jeunes gens venus soutenir leurs camarades, quelques figures connues, comme celles d’un ancien candidat à la présidentielle, Benoît Hamon, et d’un proche de Jean-Luc Mélenchon, Eric Coquerel, député de Seine-Saint-Denis.
Le procès était, en effet, lourd de conséquences, non seulement pour les trois ex-lycéens, qui se sont engagés pleinement dans cette bataille judiciaire, mais aussi pour l’Etat, qui ne souhaite pas qu’une nouvelle jurisprudence vienne compliquer les contrôles d’identité. L’enjeu est aussi financier : les jeunes gens demandent 30 000 euros chacun de dommages et intérêts ; l’Etat, lui, souhaite qu’ils s’acquittent au contraire de 1 500 euros, en guise de réparation.
Soutien du Défenseur des droits
La tension ambiante était palpable dans la voix de Slim Ben Achour, l’avocat des adolescents. « Ce sont des jeunes qui sont venus me voir, car ils voulaient changer le monde en appliquant simplement le droit », a-t-il conclu sa longue plaidoirie, avec des sanglots dans la gorge, après avoir évoqué le quotidien de ces milliers de jeunes en proie à des discriminations, comme le rappellent régulièrement les statistiques.
Me Ben Achour avait reçu quelques instants plus tôt le soutien du Défenseur des droits, qui a estimé que les jeunes gens avaient fait tout ce qui était en leur pouvoir pour apporter des éléments laissant supposer qu’un contrôle au faciès avait eu lieu (en l’occurrence, quatorze témoignages concordants de leurs camarades et de leur professeure). (...)
Le procureur de Paris, qui avait délivré la réquisition encadrant le contrôle en question, a apporté son appui à l’avocat de l’Etat, en estimant qu’il ne fallait pas renverser les rôles et que les agents dépositaires de l’autorité publique devaient bénéficier d’une « présomption de légalité ».
Au-delà du cas singulier des trois jeunes gens, c’est donc bien une autre partie qui se jouait lundi, celle des conditions nécessaires pour établir un contrôle au faciès. (...)
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(...) Des contrôles policiers banalisés
Ses anciens élèves confirment. « Qui aurait parlé ? », interroge Ilyas. « Les flics nous auraient dit, ‘dégage, t’as rien à faire ici’” Son ancien camarade de classe, Mamadou, estime aussi que sans son enseignante, « on n’en serait pas là« . Pour tous les deux, la scène de la gare du Nord n’avait rien d’exceptionnel. « Je vivais ça en mode habituel, se souvient Ilyas. Après, quand j’y réfléchis, je me dis que c’est un truc de fou d’être contrôlé comme ça ». Même son de cloche chez Mamadou. « Quand j’étais plus jeune, je pouvais être contrôlé une à quatre fois par semaine. raconte-t-il. Le pire dans l’histoire, c’est que je trouvais ça normal, je me disais qu’ils faisaient leur travail. Je me mentais à moi-même : je voyais tout le temps les mêmes être contrôlés. Je ne voulais pas voir la triste réalité ». Il raconte une scène-type de contrôle. « Je descends en bas de chez moi, je marche. Je vois une voiture de police qui patrouille. Ils me regardent bizarrement, baissent la vitre, descendent et me contrôlent ».
En mars 2017, les trois jeunes hommes témoignaient des contrôles parfois humiliants qu’ils subissaient : palpations au niveau des parties intimes, insultes, contrôles devant des membres de leurs familles.. (...)
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Voici la vidéo dans laquelle les trois jeunes hommes, ainsi que leur ancienne professeur et leur conseil Me Slim Ben Achour, expliquent les raisons de cette procédure judiciaire :
PREMIER PROCÈS POUR DISCRIMINATION RACIALE PENDANT UN VOYAGE SCOLAIRE.
Les faits remontent à mars 2017. Au retour d’un voyage scolaire à Bruxelles, Mamadou Camara, Ilyas Haddaji et Zakaria Hadji Mmadi, alors élèves du Lycée Louise Michel d’Épinay-sur-seine (93) subissent un contrôle d’identité en gare du Nord. Les trois jeunes sont ensuite fouillés, sans qu’aucune explication ne soit donnée à leur professeure encadrante, Mme Élise Boscherel.
Conscients que « ce ne sera pas la dernière fois » et décidés à faire cesser les discriminations au faciès, les jeunes portent plainte contre l’État pour discrimination (...)
La décision du Tribunal sera rendue le 17 décembre prochain.