
Trop vite oubliée et enterrée, l’affaire du « bidonnage » du Point est pourtant riche en enseignements – sur les fonctionnements et dysfonctionnements du champ médiatique, sur le rôle particulier qu’y jouent certains chercheurs et bien entendu, plus largement, sur le climat idéologique délétère que les uns et les autres concourent à installer. C’est pourquoi il nous a paru utile de republier l’analyse qu’a faite Éric Fassin de cet épisode édifiant.
(...) On voit ainsi se constituer « l’effet de réel » qui fonde l’autorité du récit médiatique. Le journaliste s’autorise du « terrain » ; mais pour recueillir ses témoignages, il dépend d’un « fixeur ». Comment savoir alors qu’il s’agit d’un informateur autorisé ? C’est qu’il le rencontre par l’intermédiaire d’une « autorité » en matière de polygamie. Celle-ci s’autorise pour sa part du « terrain » associatif, mais son savoir semble surtout fondé sur la lecture de la presse ; en tout cas, son contact avec la réalité est médiatisé par le même « fixeur ». Du moins jouit-elle d’une autorité médiatique, qui tient sans doute à sa reconnaissance par l’Institut Montaigne…
Pour que le cercle de l’illusion autorisée se referme, il manque encore une pièce dans le dispositif : les terrains associatif et journalistique sont en effet confortés par le terrain sociologique, qui sert à légitimer par son expertise cette construction si détachée de la réalité. (...)