Paradoxe de la construction européenne, la charge et le coût du contrôle de ses frontières reposent sur les pays des marges de l’Union. Or ce sont aussi ceux qui connaissent le plus de difficultés…
On les reconnaît à la boue qui s’accroche à leurs chaussures et à leurs pantalons. L’hiver, l’Evros est dangereux, et la plupart des migrants choisissent la voie terrestre. Mais certains, comme Mustafa, bravent le tumulte des flots. Assis sur le quai de la gare d’Alexandroúpolis, côté grec, le Marocain a dissimulé son bras gauche dans son blouson. D’abord fuyant quand on l’interroge à ce sujet, il finit par dessiner sur le sol poussiéreux une paire de menottes, avant de mimer les ruades des militaires turcs et sa traversée du fleuve-frontière, l’épaule déboîtée. Cette nuit-là, deux bateaux transportant six migrants chacun ont chaviré (...)
La nuit avance. La gare s’enfonce peu à peu dans l’obscurité. La pluie commence à tomber. Elle vient du sud et, poussée par le vent marin, tombe en diagonale : les campements de fortune sont vite trempés. Dans la salle d’attente de la gare, d’autres migrants sont assis les uns à côté des autres. Certains protègent leur tête sous une capuche, d’autres sous un sac plastique. Un Syrien aux yeux clairs, grand et frêle, marche le long du quai. C’est sa quatrième tentative pour entrer en Europe. (...)
En face du café, le quai de la gare. Thanasis avoue ne jamais être allé parler à ceux qui s’y sont installés : « Il ne faut pas les aider, sinon ils viendront en plus grand nombre. Mais que faire ? Ils arrivent fatigués, sans avoir mangé. Ils auraient besoin de médicaments, de nourriture… Mais avec quel argent la Grèce peut-elle financer tout cela ? »