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le journal de Montréal
Le long et lent sacrifice de Julian Assange
Article mis en ligne le 2 décembre 2020

En janvier 1758, les colonialistes français arrêtèrent Mackandal, le chef rebelle des esclaves haïtiens. Ils voulurent en faire un exemple pour terroriser les esclaves au cas où ils voudraient poursuivre leur rébellion.

Ils emmenèrent Mackandal à Cap-Haïtien (anciennement Cap-Français) et dressèrent un immense bûcher où le leader rebelle fut brûlé vif devant la foule composée majoritairement d’esclaves. Mais ceux-ci, arrachés de leurs lointaines terres africaines, avaient déjà attribué à Mackandal des pouvoirs surnaturels. L’écrivain cubain Alejo Carpentier raconte cet épisode dans son roman Le royaume de ce monde. Alors qu’il brûlait, le corps de Mackandal se transforma en oiseaux qui se mirent à voler, de sorte que le chef rebelle demeurerait toujours présent dans le royaume de ce monde, parmi les siens.

(...) Le cas de Julian Assange s’apparente au supplice du chef Mackandal. Réfugié pendant sept ans dans l’ambassade équatorienne à Londres, il en a été expulsé, en avril 2019, et a été remis aux autorités britanniques, au détriment des lois et principes sur le droit d’asile, même si on lui avait accordé précédemment la nationalité équatorienne. Depuis ce temps, il est détenu dans l’isolement total dans une prison de haute sécurité, dans l’attente de la décision que doit rendre, le 4 janvier prochain, un tribunal londonien présidé par une juge qui reçoit ses directives du gouvernement étatsunien. Drôle de justice.

Ce n’est pas le bûcher ou la potence qui attend Assange, car aujourd’hui les châtiments se sont raffinés. C’est plutôt la torture psychologique, la morte lente, à petit feu, dans un pénitencier à haute sécurité des États-Unis d’où il ne sortira jamais. On se souvient que les cinq héros cubains, accusés d’espionnage aux États-Unis, ont été condamnés à de lourdes peines de pénitencier, mais ils ont survécu et ont été finalement libérés, car ils avaient derrière eux le peuple cubain et son gouvernement qui ne les ont jamais abandonnés. Julian Assange n’a pas cet avantage et son gouvernement australien n’intervient pas en sa faveur.

Récemment, il a avoué à son avocate qu’il préférait se suicider si jamais on venait à l’extrader. (...)

Sa détention et son long calvaire nous concernent, nous qui croyons en la liberté d’expression et au devoir de dénoncer les crimes et les abus lorsque nous en sommes témoins. Car de quoi accuse-t-on le fondateur de WikiLeaks ? D’avoir dénoncé, il y a 10 ans, sur la base de documents fournis par Chelsea Manning et Edward Snowden, entre autres, les crimes maintenus dans le plus grand secret et commis, entre 2004 et 2009, en Irak et en Afghanistan par l’armée américaine, contre des populations et des civils, tristes victimes collatérales. Plutôt que de condamner les auteurs de ces atrocités, on pourchasse et condamne ceux qui les ont rendues publiques. Drôle de démocratie.

Il reste à peine un mois avant que la décision du tribunal londonien soit rendue. L’arrivée d’un président démocrate à la Maison-Blanche changera-t-elle la donne ?