
Plus d’une centaine de personnalités ont rejoint le collectif des Jours heureux - Le Pacte fondé dans le but de soumettre un programme aux candidats aux élections présidentielle et législatives. Recherchant une vision la plus globale possible de la vie publique, le collectif s’appuie sur « la triple exigence de la liberté, de l’écologie et de l’individualisme ouvert ».
Ne pas se résoudre à la neurasthénie politique actuelle, telle est la première des motivations du collectif Les Jours heureux, qui a publié dimanche 25 septembre ses premiers textes en libre-accès. Objectif ? Proposer à la consultation citoyenne une série de mesures qui seront ensuite soumises aux candidats lors des élections présidentielle et législatives de 2017. « Il est temps de remettre des politiques tournées vers l’intérêt général et de replacer le bonheur au cœur des débats. Les Jours heureux portent bien leur nom : c’est un intérêt collectif partagé », explique Martin Rieussec-Fournier, l’un des cofondateurs du mouvement.
L’intérêt a été largement partagé, en effet : plus d’une centaine de personnalités ont répondu favorablement : Patrick Viveret, Marie-Monique Robin, Dominique Méda, Edwy Plenel, Thomas Coutrot, Marie-Odille Bertella-Geoffroy, Marc Dufumier, Gaël Giraud, Anne Bringault, Guy Kastler, Roland Desbordes, Jean-Claude Guillebaud, Claire Nouvian, Serge Orru, Aurélie Trouvé, Vincent Beillard, etc. Un rassemblement qui tient de la gageure, selon Gilles Vanderpooten, journaliste et directeur de Reporters d’espoir : « Réunir François Ruffin et Corinne Lepage, ce n’était pas gagné d’avance. » (...)
« C’est symptomatique de ce qui se passe dans la société avec la volonté de coconstruire », estime de son côté Geneviève Azam, économiste et philosophe, qui a co-écrit avec Dominique Bourg et Jacques Testart le texte « Subordonner les technosciences à l’éthique ».
« Transformer ce sentiment de résignation en un mouvement de confiance dans l’avenir » (...)
Pris dans son ensemble, le propos vise à redéfinir le système politique sur ses fondations : « C’est ce qui traverse toute la réflexion : l’urgence de refonder la démocratie pour faire le pari d’une démocratie vivante, qui est à la fois l’outil et l’objectif », analyse Jean Gadrey, économiste. (...)
La démarche est ambitieuse. « Il faut oser. Au XIXe siècle, demander la fin de l’esclavage paraissait une utopie », dit Valérie Cabanes. « Il y a une aspiration immense à transformer ce sentiment de résignation en un mouvement de confiance dans l’avenir », assure Martin Rieussec-Fournier, qui invoque les succès de Nuit debout ou du film Demain.
Le mouvement a une filiation, qu’indique l’intitulé du projet : Les Jours heureux, du nom de ce programme adopté par le Conseil national de la Résistance (CNR) en mars 1944, dont les principes fondateurs ont formé le cadre politique à la Libération de la France, quelques mois plus tard : la Sécurité sociale, les retraites, la nationalisation des sources d’énergie et des grandes banques, la liberté de la presse.
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Si le Conseil national de la Résistance était parvenu à mobiliser ensemble les communistes et les gaullistes, sa réactualisation 70 ans plus tard signe la perte de confiance de la population envers les partis et les syndicats. « Le salut politique ne viendra que d’une initiative de la société civile », assure Jean Gadrey. Aux Jours heureux, le refus de toute participation aux élections est érigé en principe. (...)
Les prochains mois diront si cette nouvelle initiative a su trouver le juste équilibre entre mobilisation citoyenne et réforme institutionnelle. (...)
Au menu des propositions fortes, la régulation des écarts de salaires en entreprises : « La rémunération la plus élevée dans les entreprises ne pourra pas dépasser 20 fois la plus basse », explique Jean Gadrey. Ou bien encore, la reconnaissance des droits de la nature par la justice : « Il faut inscrire ces droits dans la Constitution française », plaide Valérie Cabanes, auteur d’un livre sur le sujet.
Le "programme" devra être enrichi sur différents points, tels que la gouvernance internationale, l’enseignement supérieur, la santé ou le droit du travail. « Mais rien n’est figé, dit Jean Gadrey. C’est l’ouverture à la société qui fera la qualité des propositions tout autant que notre légitimité. »
« On va chercher des synergies » (...)
les joyeux lurons ont décidé de prendre leur bâton de pèlerin et de parcourir à pied 700 kilomètres à travers la France, au départ des Pyrénées, afin de présenter directement leur projet. Arrivée prévue à Paris le 5 novembre. Une date qui pourrait être l’occasion d’un premier rassemblement, notamment au côté de l’association Pas sans nous, qui y fera étape dans son tour de France débuté ce week-end, et dont plusieurs membres, parmi lesquels le président fondateur Mohamed Mechmache, sont auteurs des Jours heureux. La date choisie tombe juste avant le grand bal des primaires politiques. (...)
Parmi ses outils, l’élection sans candidat : c’est ainsi que les huit porte-paroles des Jours heureux ont été choisis, sans s’être préalablement déclarés. Ou encore, la décision par consentement. « Il n’y a jamais de vote, mais toujours la recherche du dénominateur commun. Cela oblige à transformer notre propre regard sur le désaccord : ce n’est plus un frein, mais une source de discussion et d’enrichissement », explique Martin Rieussec-Fournier.
L’apprentissage peut parfois s’avérer compliqué, « mais c’est absolument nécessaire d’incarner en pratique un changement que l’on prône avec les mots », dit Jean Gadrey, qui envisage sur son blog cette méthode comme un remède aux « plaies de la démocratie politique actuelle ».
« C’est difficile, le management associatif, dit Valérie Cabanes. La sociocratie m’a réconcilié avec lui grâce à son approche de coopération efficace et rapide. » D’autres vont plus loin : « C’est le chaînon manquant de la structuration nécessaire aux alternatives », assure Martin Rieussec-Fournier.