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Le plan de José Bové pour Notre-Dame-des-Landes
Article mis en ligne le 5 janvier 2018

Le Premier ministre, Édouard Philippe, rencontre à partir de ce vendredi les élus locaux concernés par le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Le député européen José Bové, lui, propose une solution pour permettre aux habitants de la Zad de rester en cas d’abandon du projet.

(...) A partir du moment où l’on sort du projet de création de l’aéroport, on est dans un moment juridique particulier. Cela veut dire que l’expropriation s’arrête. Il faut commencer par remettre à plat la réalité juridique des propriétaires, voir qui avait accepté de vendre ou pas ses terrains, qui peut les récupérer, etc. C’est un travail d’un à deux ans. Ensuite, il reste encore un certain nombre de surfaces.

Je propose que l’ensemble de ces terres soit géré par une structure juridique qui signerait avec l’État un bail emphytéotique de longue durée. Cela signifie qu’il y a un transfert de l’ensemble des droits, sauf celui de vendre le bien. Ensuite, cette structure juridique ferait des baux à la fois aux agriculteurs et à ceux qui ont élaboré des projets alternatifs sur la zone. Elle serait gérée par l’ensemble des habitants et élus locaux. C’est la seule solution qu’offre le droit français pour permettre une gestion collective des usages du foncier.

Cette proposition vous vient-elle de votre expérience du Larzac ?

Je ne l’ai pas sortie de mon chapeau. C’est celle que l’on a choisie en 1981 pour les terres du Larzac qui avaient été vendues à l’armée. On gère ainsi, collectivement, 6.300 hectares depuis 1985. Les agriculteurs et les habitants sont membres de la société foncière. Tous les gens qui ont un contrat avec la société sont membres de l’assemblée générale. Le bail, qui avait une durée de 60 ans, a été allongé à 99 ans en 2013 par le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll. On est dans de la construction à long terme, qui garantit aux gens qui sont sur place de conserver leur activité, et de garder un contrôle collectif de la gestion du foncier. On a fixé des règles qui ont permis de construire un projet commun. Cela a développé une vraie attractivité : on a augmenté le nombre d’agriculteurs et d’habitants sur le Larzac. (...)

Symboliquement, pour les responsables politiques, pensez-vous que ce soit acceptable de légaliser l’installation de personnes qui ont contesté l’autorité de l’État ?

Pendant la lutte contre l’extension du camp militaire du Larzac, on a construit une bergerie, on l’a faite en pierre, le chantier a duré deux ans. On a financé ce bâtiment en demandant à des gens, qui ont été des milliers, de refuser de payer une partie de leur impôt et de le reverser pour la construction du bâtiment. On a construit un bâtiment illégal, sans permis de construire, financé par le refus de l’impôt. Eh bien ! en 1983, après l’abandon du projet, ce bâtiment a été inauguré en grande pompe par un ministre d’État et un préfet de région. C’était la reconnaissance que le combat était légitime, même s’il était illégal. Donc, à Notre-Dame-des-Landes, si le projet d’aéroport est abandonné, l’expropriation tombe, et il y a une nouvelle légalité, un nouveau droit à élaborer.

Comment avez-vous formalisé vos propositions ?

Ces propositions se fondent sur des discussions que j’ai eues à Notre-Dame-des-Landes, depuis plusieurs années, avec les associations, les élus locaux, des juristes, sur les solutions si le projet d’aéroport est abandonné. J’ai formalisé cela dans un courrier de plusieurs pages envoyé aux médiateurs. On en discute également depuis longtemps avec Nicolas Hulot, avant même qu’il n’entre au gouvernement. Et on en rediscutera.

Avez-vous une chance d’être entendu ?

Pour l’instant, je ne sais rien de la décision qui sera prise par le président de la République. Mais si l’abandon est décidé, il est important de montrer que, derrière, il y a une alternative crédible, une solution juridique et foncière.