
Ces dernières années n’ont pas été de tout repos pour le Mali, qui a connu une déclaration d’indépendance, un coup d’État, une mutinerie, une prise de contrôle du nord du pays par les groupes islamistes, une intervention militaire française, une crise d’otages, une guérilla, un accord de paix préliminaire et, enfin, un cessez-le-feu au mois de février.
Compte tenu de l’ampleur des bouleversements, il n’y a rien d’étonnant à ce que ces deux derniers points – l’accord de paix et le cessez-le-feu – soient aujourd’hui gravement menacés.
Les rebelles touaregs se battent de longue date pour l’indépendance - ou tout au moins l’autonomie accrue - d’un grand territoire du nord du Mali qu’ils appellent Azawad. Les séparatistes font traîner la ratification du dernier accord de paix en date, et des affrontements récents ont amené le secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, à signaler que la situation menaçait de se dégrader.
Voici un récapitulatif des événements ayant conduit à la situation actuelle, et de ce que l’on est en droit d’attendre de la suite :
COMMENT EN EST-ON ARRIVÉ LÀ ?
Depuis des décennies, le schéma habituel est le suivant : une rébellion touarègue suivie de pourparlers de paix, puis un mécontentement grandissant et une reprise du conflit. Les enjeux ont toutefois pris une nouvelle dimension avec la guerre civile libyenne de 2001, lors de laquelle de nombreux rebelles touaregs ont combattu comme mercenaires. Ils en sont revenus plus expérimentés et plus lourdement armés. (...)
QUELLES SONT LES QUESTIONS EN SUSPENS ?
En substance, le dernier accord propose d’accorder davantage de pouvoir et de ressources au nord, sans toutefois aller jusqu’à lui garantir une autonomie politique complète.
Plutôt que d’autoriser une entité indépendante composée des trois régions du nord (Gao, Kidal et Tombouctou), l’accord souligne la nécessité d’une réconciliation au sein du Mali, présenté comme une nation séculaire devant rester unie. (...)
« C’est un compromis qui ne répond pas aux revendications des rebelles portant sur un Azawad indépendant ou un Mali respectant la charia », a dit Benjamin Soares, chercheur principal au Centre d’étude sur l’Afrique de Leyde, à IRIN.
OÙ EN EST-ON EXACTEMENT ?
Bruce Whitehouse, un anthropologue culturel de l’université Lehigh, en Pennsylvanie, est d’avis que l’écart entre le gouvernement et les rebelles n’a jamais été aussi grand.
« Il y a des factions dans les deux camps qui sont opposées à la moindre concession », a-t-il dit à IRIN. « Nous avons toujours su qu’un grand nombre des militants séparatistes de base ne consentiraient jamais à moins que l’indépendance. Dans le même temps, l’opposition suscitée par l’accord s’est faite de plus en plus véhémente à Bamako. »
Tandis que le gouvernement et les rebelles du nord tergiversent, la situation sécuritaire continue de se dégrader. (...)
L’Algérie (le principal médiateur), la MINUSMA, l’Union africaine, la France et les voisins du Mali envisagent tous l’accord de paix comme une étape indispensable vers un rétablissement de l’ordre et de la sécurité dans le nord.
Le retard enregistré s’est traduit par une reprise des conflits entre les groupes d’insurgés et l’armée malienne, des affrontements intercommunautaires, le retrait des forces de sécurité de différentes zones, et une recrudescence des attaques visant les travailleurs humanitaires et les civils.
Face à l’incapacité de trouver une solution à la crise, la frustration grandit et alimente l’extrémisme islamiste. D’après les sources sécuritaires de la région, des groupes comme Ansar Dine et Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) ont intensifié l’enrôlement de jeunes chômeurs exaspérés par la situation actuelle.
QUE NOUS RÉSERVE LA SUITE ?
Le Conseil de sécurité des Nations unies a instamment enjoint les trois principaux groupes séparatistes à ratifier l’accord le 15 mai au plus tard, sous peine de s’exposer à des sanctions.
Lundi dernier, un porte-parole de la CMA a dit que les rebelles étaient disposés à signer l’accord élaboré lors de réunions à Alger en février, mais qu’une poursuite des pourparlers était auparavant nécessaire.
L’une des différences essentielles entre cet accord de paix et les précédents est la forte implication de la communauté internationale, qui a joué un rôle plus important dans la phase de négociations et s’est engagée à traduire tout cela dans les faits lors de la phase de mise en œuvre à venir. (...)
Cependant, même si l’accord de paix devait être ratifié d’ici le 15 mai, il ne s’agit que de la première étape. Dans le passé, la mise en œuvre des accords a pris plus de trois temps, pour finalement se solder par un échec en raison d’une lutte d’influence entre différentes factions.
« Parvenir à un accord est le plus facile, la difficulté résidera dans sa mise en œuvre et c’est pour cette raison que les accords de paix antérieurs ont échoué », a dit M. Yabi à IRIN.
Le désarmement et la réintégration des combattants touaregs dans l’armée malienne pourraient contribuer à accélérer le processus. Cependant, les affrontements en cours et les tentatives du gouvernement de mobiliser les milices arabes et touarègues fidèles à Bamako ont gravement ébranlé la confiance entre les différents camps. (...)