
Passée inaperçue dans les médias nationaux, occupés par « l’affaire Merah et la campagne présidentielle » , la récente grève des éboueurs du Grand Lyon (du 12 au 29 mars 2012), a donné lieu à une mobilisation certaine dans la presse locale [1]. Ce conflit social méritait par lui-même toute l’attention, car c’est le choix entre la gestion privée et la gestion publique du ramassage des ordures sur la Communauté Urbaine de Lyon qui était en jeu [2]. Mais pour Le Progrès (unique journal quotidien de l’agglomération), la mission d’information n’est pas là précisément où on l’attend. Passage en revue d’un fiasco éditorial.
Propriété du groupe EBRA et désormais du Crédit Mutuel [6], Le Progrès a suivi le conflit quotidiennement depuis le début des négociations entre syndicats et représentants du Grand Lyon (le 23 février) jusqu’à la fin de la grève plus d’un mois plus tard.
Plus de soixante-dix articles au total, mobilisant correspondants locaux et rédaction régionale ! On aurait donc pu attendre une couverture détaillée, si ce n’est approfondie, de la situation… Mais, avant même que la grève commence, en lieu et place d’une présentation de cette situation, c’est une mise en bouche épicée, à base d’annonces alarmistes, qui est servie aux lecteurs du Progrès, histoire de les mettre en appétit.
Tout à sa mission d’information en effet, le quotidien n’a de cesse de prévenir, à grands renforts d’articles dont certains sont montés en « Une », d’une « menace » qui plane sur la tranquille agglomération… : « Menace de grève des éboueurs : la direction du Grand Lyon reçoit les syndicats » (23 février), « Menaces de grève chez les éboueurs : les syndicats consultent leur base » (28 février), « Grand Lyon : les éboueurs menacent de faire grève à partir de lundi » (6 mars), « La menace d’une grève des éboueurs pèse sur la collecte pour lundi » (7 mars), « Menace de grève des éboueurs du Grand Lyon : des propositions de Collomb » (9 mars), « Conflit des éboueurs : Collomb lâche du lest, la menace de grève n’est pas levée » (10 mars), « Menace de grève des éboueurs : tout se joue aujourd’hui à 5 h 30 » (12 mars). Une menace décidément très menaçante ou comment bien faire entendre qu’à compter du 12 mars, une partie des rues de Lyon et des communes environnantes se retrouveront sous des amas d’ordures : une conséquence qu’il est manifestement plus important à mettre en avant que sa cause.(...)
Une fois la grève commencée, et en guise de plat de résistance, c’est l’incontournable drame des habitants du Grand Lyon, « victimes » du conflit, qui se décline sous tous les angles et au gré d’un vocabulaire varié, à mesure que les poubelles s’amoncellent sur les trottoirs
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