
Bonne humeur et chaleur pour le rassemblement qui s’est tenu les 8 et 9 juillet sur la Zad de Notre-Dame-des-Landes. Alors que l’abandon du projet d’aéroport devient crédible, le mouvement s’organise pour pérenniser la Zad comme un lieu paysan et solidaire.
Le 17e rendez vous estival des opposants au projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes s’est tenu sur le site samedi 8 et dimanche 9 juillet, sous la canicule. Principale question courant dans ce rassemblement joyeux et détendu : qu’adviendrait-il de la Zad (zone à défendre) en cas d’abandon du projet - de plus en plus crédible ? Quel rapport de force possible pour que l’évacuation ne suive pas une annonce officielle de renoncement au projet ? La médiation engagée par le gouvernement laisse présager une issue favorable sur le seul dossier de l’aéroport. Mais beaucoup se rappellent que c’est la nième instance de « dialogue » instaurée par un gouvernement, et qu’il convient de ne pas faire une confiance aveugle à cette configuration : Nicolas Hulot au gouvernement, deux des trois médiateurs plutôt opposés au projet, et la nouvelle force politique En Marche dont certains élus se sont déclarés contre cet aéroport parachuté en plein bocage. (...)
« Les deux enjeux du début de mandat de Macron, c’est de réussir à passer sa réforme bulldozer du code du travail et à gérer l’avenir de la Zad. L’aéroport, c’est un enjeu qui ne les intéresse pas au premier plan, mais c’est un gouvernement d’ordre, et cette zone qui expérimente en bafouant le capitalisme, ça n’est pas supportable pour des gens comme eux. Si Macron réussit à passer ces deux obstacles, il aura le champ libre pour tout le reste... » analyse un barbu en s’épongeant le front. « Si la Zad était évacuée, ce serait très mauvais pour nous syndicalistes, et si les syndicalistes se font écraser, c’est aussi mauvais pour la Zad », résume Francis Lemasson, secrétaire de la CGT Vinci.
Les médiateurs ont reçu une délégation de l’union départementale CGT, de la Confédération paysanne, et du CeDpa (collectif d’élus opposants à l’aéroport). Les cégétistes présents ce week-end lors du rassemblement ne connaissaient pas encore la teneur des échanges avec les dirigeants nantais de leur syndicat. Le syndicat paysan et le collectif d’élus se sont eux déclarés satisfaits quant à la qualité de l’« écoute attentive » des médiateurs dont l’approche « distingue les faits des opinions », tout en menant des « réunions contradictoires » entre partisans et opposants au projet.
Dans un bocage où les paysans bataillent depuis 1972 contre ce projet d’aéroport, le porte parole de la coordination des opposants, Dominique Fresneau, a commenté l’issue possible de la médiation : « Que le résultat soit favorable ou pas, la lutte n’est pas terminée. Si en décembre, ils décident d’abandonner le projet et d’évacuer la ZAD, il faudra continuer à lutter ici. »
Tous zadistes, tous résistants
Sur les deux jours, le rendez vous a rassemblé quelques plus de 20.000 personnes, selon les organisateurs. Zadistes et associations plus citoyennistes l’ont donc réaffirmé : la lutte ne s’arrêterait pas avec l’abrogation de la déclaration d’utilité publique. Les liens tissés entre les opposants déjà sur place avant 2009 et celles et ceux qu’on appelait « squatteurs », « jeunes » puis « zadistes » sont forts de ces années de discussions, d’entraide et d’amitiés, même émaillées de prises de bec, d’actions concertées.
Pour avoir un coup d’avance, certains imaginent de reprendre vite d’autres terres en friche dans le périmètre de la Zad, et de les remettre en culture, pour réaffirmer la détermination à rester avec des pratiques agricoles diverses, sur des terres partagées, privilégiant l’usage aux droits ancestraux liés à la propriété foncière. La stratégie zadiste, dont le terme englobe désormais les paysans historiques, expulsables comme les autres depuis janvier 2016, c’est d’occuper le terrain, au sens propre comme au figuré.
Dans ce champ à l’herbe jaunie du lieu dit Le Champ-des-Perrières, les débats à l’ombre des dix chapiteaux ont été aussi suivis que les discussions sous les auvents des buvettes, accoudé aux bottes de paille formant comptoir.
Les six points qui dessinent l’avenir de la Zad (...)
le texte Les 6 points pour l’avenir de la Zad se trouve sur les tables de bien des stands. Un manifeste publié fin 2015, après un an et demi de gestation, dont les engagements se voient ravivés avec l’éventualité, jamais aussi plausible, d’un possible abandon du projet. Il s’agit d’assurer le maintien des occupants, zadistes et agriculteurs historiques, sans expropriation ni expulsion.
S’y ajoutent la continuation des expérimentation agricoles et d’auto-construction et la capacité à régler les conflits d’usage au sein d’une instance collective issue de la lutte. (...)
« En cas d’abandon du projet, il y a un gros risque que les terres aillent ’à l’agrandissement’. Aujourd’hui la tendance en agriculture, ce sont de grosses sociétés capitalistes internationales qui investissent. Mais ici, on continuera à se bagarrer pour que la Zad soit une terre partagée, de projets paysans mais pas que », dit une zadiste. (...)
Quels que soient les échéances et les volontés du gouvernement, la Zad bouillonne d’énergies et de projets qu’elle mène pour construire, toujours construire. Construire des projets, des réseaux, des relations humaines et politiques et des stratégies communes.